VIII. Terre sacrée et terre exécrée




Comme chacun peut facilement s’en rendre compte, la « Terre Sainte » occupe une place assez importante dans l’œuvre de Guénon, et ce simple fait devrait faire réfléchir ceux que n’aveugle pas le soi-disant « bon sens » de la « vie ordinaire » ; il est vrai que ce qui s’y rapporte est parfois exprimé d’une manière assez allusive. Citons, en guise d’introduction à ce chapitre, un passage du Roi du monde sur la Shekina, « présence réelle de la Divinité » et parèdre de Metatron, lequel, comme nous le savons, « est assimilé ésotériquement au Christ », comme la Shekina  elle-même n’est pas sans rapports avec la Vierge, « Vase de l’Esprit », « Maison d’Or » et « Arche d’Alliance » selon les litanies (nous citerons en soulignant quelques mots sur lesquels nous aurons à revenir) :

« […] la Shekinah est la « présence réelle » de la Divinité. Il faut noter que les passages de l’Écriture où il en est fait mention tout spécialement sont surtout ceux où il s’agit de l’institution d’un centre spirituel : la construction du Tabernacle, l’édification des Temples de Salomon et de Zorobabel. Un tel centre, constitué dans des conditions régulièrement définies, devait être en effet le lieu de la manifestation divine, toujours représentée comme « Lumière » ; et il est curieux de remarquer que l’expression de « lieu très éclairé et très régulier », que la Maçonnerie a conservée, semble bien être un souvenir de l’antique science sacerdotale qui présidait à la construction des temples, et qui, du reste, n’était pas particulière aux Juifs ; nous reviendrons là-dessus plus tard. Nous n’avons pas à entrer dans le développement de la théorie des « influences spirituelles » (nous préférons cette expression au mot « bénédictions » pour traduire l’hébreu berakoth, d’autant plus que c’est là le sens qu’a gardé très nettement en arabe le mot barakah) ; mais, même en se bornant à envisager les choses à ce seul point de vue, il serait possible de s’expliquer la parole d’Elias Levita, que rapporte M. Vulliaud dans son ouvrage sur La Kabbale juive : « Les Maîtres de la Kabbale ont à ce sujet de grands secrets. »

« La Shekinah se présente sous des aspects multiples, parmi lesquels il en est deux principaux, l’un interne et l’autre externe ; or il y a d’autre part, dans la tradition chrétienne, une phrase qui désigne aussi clairement que possible ces deux aspects : « Gloria in excelsis Deo, et in terra Pax hominibus bonæ voluntatis. » Les mots Gloria et Pax se réfèrent respectivement à l’aspect interne, par rapport au Principe, et à l’aspect externe, par rapport au monde manifesté ; et, si l’on considère ainsi ces paroles, on peut comprendre immédiatement pourquoi elles sont prononcées par les Anges (Malakim) pour annoncer la naissance du « Dieu avec nous » ou « en nous » (Emmanuel). On pourrait aussi, pour le premier aspect, rappeler les théories des théologiens sur la « lumière de gloire » dans et par laquelle s’opère la vision béatifique (in excelsis) ; et, quant au second, nous retrouvons ici la « Paix », à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure, et qui, en son sens ésotérique, est indiquée partout comme l’un des attributs fondamentaux des centres spirituels établis en ce monde (in terra). D’ailleurs, le terme arabe Sakînah, qui est évidemment identique à l’hébreu Shekinah, se traduit par « Grande Paix », ce qui est l’exact équivalent de la Pax Profunda des Rose-Croix ; et, par là, on pourrait sans doute expliquer ce que ceux-ci entendaient par le « Temple du Saint-Esprit », comme on pourrait aussi interpréter d’une façon précise les nombreux textes évangéliques dans lesquels il est parlé de la « Paix »[1], d’autant plus que « la tradition secrète concernant la Shekinah aurait quelque rapport à la lumière du Messie ». Est-ce sans intention que M. Vulliaud, lorsqu’il donne cette dernière indication[2], dit qu’il s’agit de la tradition « réservée à ceux qui poursuivaient le chemin qui aboutit au Pardes », c’est-à-dire, comme nous le verrons plus loin, au centre spirituel suprême ? Ceci amène encore une autre remarque connexe : M. Vulliaud parle ensuite d’un « mystère relatif au Jubilé »[3], ce qui se rattache en un sens à l’idée de « Paix », et, à ce propos, il cite ce texte du Zohar (III, 52 b) : « Le fleuve qui sort de l’Éden porte le nom de Iobel », ainsi que celui de Jérémie (XVII, 8) : « Il étendra ses racines vers le fleuve », d’où il résulte que « l’idée centrale du Jubilé est la remise de toutes choses en leur état primitif ». Il est clair qu’il s’agit de ce retour à l’« état primordial » qu’envisagent toutes les traditions, et sur lequel nous avons eu l’occasion d’insister quelque peu dans notre étude sur L’Ésotérisme de Dante ; et, quand on ajoute que « le retour de toutes choses à leur premier état marquera l’ère messianique », ceux qui ont lu cette étude pourront se souvenir de ce que nous y disions sur les rapports du « Paradis terrestre » et de la « Jérusalem céleste ». D’ailleurs, à vrai dire, ce dont il s’agit en tout cela, c’est toujours, à des phases diverses de la manifestation cyclique, le Pardes, le centre de ce monde, que le symbolisme traditionnel de tous les peuples compare au cœur, centre de l’être et « résidence divine » (Brahma-pura dans la doctrine hindoue), comme le Tabernacle qui en est l’image et qui, pour cette raison, est appelé en hébreu mishkan ou « habitacle de Dieu », mot dont la racine est la même que celle de Shekinah. »

S’il est dit que « les passages de l’Écriture où il est fait mention tout spécialement [de la Shekina] sont surtout ceux où il s’agit de l’institution d’un centre spirituel », laquelle institution est rapportée à « l’antique science sacerdotale qui présidait à la construction des temples », s’il est dit que la « Paix », l’aspect « terrestre » de la Shekina, a un rapport avec la naissance de l’Emmanuel, et qu’elle « est indiquée partout comme l’un des attributs fondamentaux des centres spirituels établis en ce monde (in terra) », que « la tradition secrète concernant la Shekinah aurait quelque rapport à la lumière du Messie », et qu’à la « Paix » se rattache le « mystère relatif au Jubilé », dont l’idée centrale « est la remise de toutes choses en leur état primitif », laquelle « marquera l’ère messianique », s’il est en outre fait mention du Paradis terrestre et de la Jérusalem céleste, et si, en tout ceci, c’est du centre spirituel suprême « à des phases diverses de la manifestation cyclique » qu’il s’agit, c’est vraisemblablement parce que la manifestation du Messie, c’est à dire du Christ, à la fin du cycle, doit être accompagné de la manifestation de ce centre, qui devrait donc prendre à nouveau pour support une terre dans le monde « extérieur ».

En outre, s’il est fait mention de la Maçonnerie et des Rose-Croix[4], c’est peut-être en raison de leurs rapports avec la tradition "hermétique" liée à la conception du « Saint-Empire »[5], tradition rapportée par Guénon, comme nous l’avons déjà vu, au « cycle du Graal » et au « cycle des Héros », lesquels sont les « habitants » de la « Citadelle Solaire » qui se manifesteront avec le Christ, « ceux qui poursuivent le chemin qui aboutit au Pardes » et « qui doivent ainsi préparer la venue d’un nouvel âge d’or ». D’ailleurs, à propos de la signification eschatologique de la "légende du saint-Graal", il y a une curieuse remarque dans le premier des articles que Guénon a donné à la revue Regnabit : "[...] le Graal est à la fois un vase (grasale) et un livre (gradale ou graduale). Dans certaines versions, les deux sens se trouvent même étroitement rapprochés, car le livre devient alors une inscription tracée par le Christ ou par un ange sur la coupe elle-même. Nous n’entendons actuellement [c'est nous qui soulignons] tirer de là aucune conclusion, bien qu’il y ait des rapprochements faciles à faire avec le « Livre de Vie » et avec certains éléments du symbolisme apocalyptique."

Si l’on ajoute que, pour savoir où se trouve le « secret du Saint Graal », il faut « se reporter à la constitution très « positive » des centres spirituels » (« ainsi », dit-Guénon, « [qu’il] l’a indiqué assez explicitement dans [son] étude sur Le Roi du Monde »), on pourrait se demander si, de même qu’il semble assez naturel qu’il y ait un certain rapport spécial entre le Christ et la tradition chrétienne, il ne devrait pas y en avoir un aussi entre Celui-ci et l’aire géographique plus particulièrement destinée à cette tradition[6] ; et il va de soi que, dans le cycle de la légende du Graal, c’est surtout de centres spirituels occidentaux qu’il s’agit. Quant au « Saint Empire », si, comme nous l’avons vu, c’est à la toute fin du cycle qu’il se rapporte véritablement, il eut comme une « préfiguration » ou une « préparation » dans la chrétienté du moyen âge ; et il se pourrait que la « mission » des « héros solaires » ou « chevaliers du Saint Graal » consistant à construire l’Arche dans laquelle doivent être enfermés les germes du cycle futur ne soit pas sans rapport avec la préparation d’un lieu apte à servir de support à la manifestation du Verbe ; peut-être pourrait-il y avoir là quelque rapport avec la consécrations des temples, des images et des objets rituels, ayant pour but, écrit Guénon, « d’en faire le réceptacle effectif des influences spirituelles sans la présence desquelles les rites auxquels ils doivent servir seraient dépourvus d’efficacité » ; mais nous citerons surtout comme particulièrement significatif à cet égard, bien qu’assez énigmatiques, les passages des visions de la bienheureuse Catherine Emmerich sur Melchissédech et d’autres personnages qui lui sont associés :

« [Salem] était pour Melchissédech comme un point central d’où il se rendait soit à Jérusalem où il bâtissait, soit auprès d’Abraham, soit ailleurs : il y réunissait des familles et des individus auxquels il assignait des résidences et qui s’établissaient dans un endroit ou dans un autre. »

« Là où il agissait et bâtissait, il semblait poser la pierre fondamentale d’une grâce future, attirer l’attention sur un lieu, commencer quelque chose qui était destiné à un grand avenir. »

« Je l’ai déjà vu antérieurement paraître en divers endroits de la Terre Promise, lorsqu’elle était encore tout à fait déserte, longtemps avant le temps de Sémiramis et d’Abraham ; il semblait disposer le pays d’avance, désigner et préparer certains lieux ; ainsi je crois qu’il a ouvert la source du Jourdain. »

« Je le vis ainsi ouvrir des sources en divers lieux de la terre »

« Melchissédech avait mesuré les chemins et posé les fondations des lieux où le Père Céleste voulait que le Fils de l’homme passât »

« Je vis, à une époque très reculée, longtemps avant l’arrivée d’Abraham, trois hommes d’un teint plus basané que ce patriarche, habiter ici dans des cavernes. […] C’était un point de leur religion que Dieu voulait contracter une alliance avec les hommes et qu’ils devraient s’employer de tout leur pouvoir à la préparer […] Je vis ces hommes parcourir les différentes parties du pays, creuser des puits, défricher des terrains incultes et poser des fondements dans des endroits où, plus tard, des villes furent bâties. Je les vis dans certaines contrées, chasser les mauvais esprits répandus dans l’air et les reléguer dans d’autres lieux malsains, marécageux, couverts de brouillards […] Je m’étonnais d’abord que des villes dussent s’élever sur les emplacements où ils posaient des pierres, parce que les traces de leur passage ne tardaient pas à disparaître sous une végétation sauvage, et cependant j’eus une vision où me furent montrés beaucoup d’endroits qui avaient été bâtis sur ces pierres […] Je les vis aussi tracer dans la contrée, alors impraticable, des chemins aboutissant aux lieux où ils avaient posé des pierres fondamentales, creusé des puits, semé des plantes utiles, en sorte que les hommes qui vinrent plus tard, suivirent ces chemins et s’établirent tout naturellement près des puits et des emplacements déjà préparés et produisant des fruits […] Ils préparèrent de cette manière la fondation des villes où naquirent la plupart des prophètes. […] Ils furent à certains égards pour Abraham ce que Jean-Baptiste fut pour Jésus. Ils disposèrent et nettoyèrent le terrain, préparèrent le chemin et tracèrent aux eaux leurs cours pour l’ancêtre du peuple de Dieu : quant à Jean, il disposait les cœurs à la pénitence et à la régénération en Jésus-Christ. Ils firent pour Israël ce que Jean fit pour l’Église. J’ai vu encore dans d’autres endroits quelques hommes semblables à ceux-là ; je crois qu’ils y avaient été établis par Melchissédech. »

Commentant ce dernier passage dans un article paru dans Le Voile d’Isis en 1932, Jean Reyor écrit que « dans un ordre d’idée voisin, nous trouvons dans la tradition hermétique l’indication d’adeptes voyageurs qui vont enfouir, à certains endroits déterminés, des métaux et surtout de l’or alchimique servant, comme les pierres dont parle Catherine Emmerich, de support à des influences spirituelles […]. Ceci est à rapprocher des « tertons » de la tradition thibétaine, « endroits secrets où il est dit que des écritures mystiques sont cachées jusqu’à un temps déterminé. Padma-Sambhava, le fondateur du lamaisme, est dit y avoir déposé des écrits qui ne seront ouverts et révélés que dans les temps futurs (il y aurait 108 tertons. Le nombre de 108 est bien entendu symbolique) ». Ce nombre est un des nombres cycliques fondamentaux indiqués par Guénon, qui écrit par ailleurs, dans une lettre à Lovinescu : "Maintenant, pour ce qui est de l’emplacement des anciens centres et de ce qui peut y rester, je pense à autre chose : il y a des histoires de “talismans” qui auraient été enterrés en certains endroits, et la résurrection des centres correspondants serait liée à leur découverte ; je ne pense d’ailleurs pas qu’il faille prendre cela à la lettre, mais il y a sûrement là l’indication de quelque chose d’important."

Il est inutile de dire qu’en tout ceci, c’est de la « répartition des « influences spirituelles » en action dans notre monde » qu’il s’agit, et non de simples « trésors » matériels, comme se l’imaginent tant de « néo-spiritualistes »[7] : « quand on parle du « culte des pierres », qui fut commun à tant de peuples anciens, » écrit Guénon, « il faut bien comprendre que ce culte ne s’adressait pas aux pierres, mais à la Divinité dont elles étaient la résidence » ; mais comme ce point a un rapport très étroit avec le sujet du présent chapitre, il ne sera peut-être pas inutile que nous nous y arrêtions un peu.

En effet, il est curieux de constater que Guénon nous fasse en quelque sorte suivre, tout le long de l’histoire judéo-chrétienne, le cheminement du « Saint Graal », qui peut prendre la forme d’une pierre aussi bien que d’une coupe, et dont la possession représente la conservation intégrale de la tradition primordiale dans un centre spirituel destiné à remplacer le Paradis perdu. On peut l’identifier à la coupe dont se servit Melchissédech lors de la « bénédiction » d’Abraham, et que Catherine Emmerich identifie d’ailleurs, d’après ses visions, au calice qui servit à la Cène ; ce fut aussi la pierre que Jacob consacra à Béthel ; la coupe « oraculaire » de Joseph (cf.Genèse, XLIV, 5.) ; la pierre « qui suivait les Israélites dans le désert et d’où sortait l’eau dont ils buvaient[8], et qui, selon l’interprétation de saint Paul, n’était autre que le Christ lui-même[9] ; elle serait devenue ensuite la pierre shethiyah ou « fondamentale », placée dans le Temple de Jérusalem au-dessous de l’emplacement de l’arche d’alliance […] » ; ce fut encore la coupe qui servit à la Cène, et dans laquelle Joseph d’Arimathie recueillit le sang et l’eau qui s’échappaient de la blessure du Christ, avant de la transporter en Grande-Bretagne[10] ; puis la Lia Fail ou « pierre de destinée », la pierre du sacre des anciens rois d’Irlande, « devenue par la suite celle des rois d’Angleterre, ayant été, suivant l’opinion la plus communément admise, apportée par Édouard Ier à l’abbaye de Westminster » ; cette appropriation par Edouard Ier est peut-être d’ailleurs illégitime, car elle est décrite comme un vol ; et, quand on ajoute que, selon Guénon, la légende du Saint Graal a trait au transfert du Graal de Grande-Bretagne en Armorique, cela ne jette-t-il pas une singulière lumière sur les conflits « franco-anglais » depuis Aliénor d'Aquitaine et Philippe Auguste jusqu’à Du Guesclin et Jeanne d‘Arc ? Quant au transfert du Graal en Gaule, il faut rappeler, d’une part, que les druides « doivent être comptés parmi les conservateurs réguliers de la tradition primordiale » ; les allusions de Guénon à « l’Église celtique » ou « culdéenne », ainsi qu’à l'Irlande et à saint Patrice ; l’influence des moines ou clercs irlandais sur le continent, de saint Colomban à Alcuin ; et, d’autre part, l’amitié qui lia saint Bernard (« en qui certains veulent voir, non sans quelque raison, » écrit Guénon, « le prototype de Galaad, le chevalier idéal et sans tache, le héros victorieux de la « queste du Saint Graal » ») et l’irlandais saint Malachie d’Armagh, mort dans ses bras à Clairvaux, et dont il porta la tunique sur lui pour le reste de ses jours. Ceci dit, Guénon cite encore l’historien Martin, à propos du Titurel de Wolfram d’Eschenbach, qui place « en Gaule, sur les confins de l’Espagne, » le centre où est conservé le Saint Graal, lequel, dit-onfut finalement transporté dans le « Royaume du prêtre Jean », ce dernier représentant le « Roi du Monde » ; et ce qui est curieux, c’est que Guénon mette le Graal de Wolfram d’Eschenbach en relation avec la « pierre noire » envoyée jadis par le « Roi du Monde » au Dalaï Lama (lequel aurait représenté le prêtre Jean « depuis l’époque des invasions musulmanes »), puis transportée à Ourga, en Mongolie, « que certains ont voulu précisément assimiler au « royaume du prêtre Jean » » (« bien que d’ailleurs », ajoute Guénon, « aucune localisation géographique ne puisse ici être acceptée littéralement ») ; et puisque Guénon ajoute bizarrement que cette pierre « disparut il y a environ cent ans », on peut se demander si c’est pour être définitivement occulté, où bien pour réapparaitre quelque part…

On voit que la question des « influences spirituelles » est étroitement liée à celle de l’histoire et de la « géographie sacrée » ; à cet égard, il nous semble opportun de citer ces lignes du Règne de la quantité et les signes des temps :

« Le mouvement alternatif des échanges peut […] porter sur les trois domaines spirituel (ou intellectuel pur), psychique et corporel, en correspondance avec les « trois mondes » : échange des principes, des symboles et des offrandes, telle est, dans la véritable histoire traditionnelle de l’humanité terrestre, la triple base sur laquelle repose le mystère des pactes, des alliances et des bénédictions, c’est-à-dire, au fond, la répartition même des « influences spirituelles » en action dans notre monde […] »

Nous pouvons voir comme une illustration de ces pactes, de ces alliances ou de ces bénédictions (nous ne savons ce qu’il faudrait dire ici ; peut-être les trois à la fois) dans la rencontre d’Abraham et de Melchissédech : il y a là « une véritable investiture », écrit Guénon, « presque au sens féodal de ce mot, mais avec cette différence qu’il s’agit d’une investiture spirituelle ». Cela n’empêche d'ailleurs pas que, comme il l’explique par ailleurs, Melchissédech représente la source de toute autorité légitime, temporelle aussi bien que spirituelle, comme on peut le voir avec la consécration des rois Saül et David par le prophète Samuel[11] ; et le sacre des rois, comme la "bénédiction" d'Abraham, est bien aussi la communication d’une influence spirituelle, influence "qui se manifestait même parfois au dehors par des effets nettement sensibles", souligne Guénon, qui donne comme exemple "le pouvoir de guérison des rois de France". À cet égard, nous rappellerons l’origine céleste reconnue à la Sainte-Ampoule, qui contenait, d’après le rite, « l’huile sainte dont furent oints les rois et les prophètes et dont Samuel se servit pour consacrer David » ; et nous finirons par rappeler l’exemple historique d’une « alliance » ou d'un « pacte » particulièrement significatif pour ce que nous allons avoir à dire dans la suite de ce chapitre, alliance dont le « prêtre » fut Jeanne d'Arc (et l'on sait qu'un ange, déjà, avait apporté une couronne au roi) :

« Un jour, la Pucelle demanda au roi de lui faire un présent. La prière fut agréée... Elle demanda alors que le royaume de France fut le présent sollicité : le roi étonné le lui donna après quelque hésitation, et la jeune fille l’accepta ; elle voulut même que l’acte en fut dressé et lu par les quatre secrétaires du roi. La charte rédigée et lue à haute voix, le roi resta un peu ébahi, lorsque la Pucelle le montrant à l’assistance dit : «Voilà le plus pauvre chevalier du royaume ; et après un peu de temps, en présence des mêmes notaires, disposant en maîtresse du royaume de France, elle le remit entre les mains de Dieu tout-puissant. Puis au bout de quelques autres moments, elle investit le roi Charles du royaume de France. De tout cela elle voulut qu’un acte solennel fut dressé par écrit ».

***

Souvent, Guénon est revenu sur l’union des deux pouvoirs sacerdotal et royal dans la personne du Christ, question sur laquelle il a même écrit un article spécial ; et cela se comprend sans peine, puisqu’à la fin du cycle, le Christ doit manifester son autorité à la fois dans le domaine de la connaissance et dans celui de l'action ; mais il y a quelque chose de plus encore. En effet, bien que le pouvoir temporel ait son principe dans l'autorité spirituelle, l'un et l'autre apparaissent à un certain point de vue comme complémentaires ; et tout complémentarisme implique un principe qui lui soit supérieur, principe qui, en l’occurrence, devra être manifesté extérieurement à la fin du cycle par le Christ. Citons maintenant une phrase tirée du Roi du monde :

« […] au moyen âge, le pouvoir suprême (selon les apparences extérieures tout au moins) était divisé [en Occident] entre la Papauté et l’Empire. Une telle séparation peut être considérée comme la marque d’une organisation incomplète par en haut, si l’on peut s’exprimer ainsi, puisqu’on n’y voit pas apparaître le principe commun dont procèdent et dépendent régulièrement les deux pouvoirs ; le véritable pouvoir suprême devait donc se trouver ailleurs. »

Or, il nous semble que Guénon a par ailleurs assez souvent et explicitement indiqué que ce pouvoir suprême se trouvait du côté des templiers et de saint Bernard ; voici quelques extraits significatifs à cet égard :

« Moine et chevalier tout ensemble, ces deux caractères étaient ceux des membres de la « milice de Dieu », de l’Ordre du Temple ; ils étaient aussi, et tout d’abord, ceux de l’auteur de leur règle, du grand saint qu’on a appelé le dernier des Pères de l’Église, et en qui certains veulent voir, non sans quelque raison, le prototype de Galaad, le chevalier idéal et sans tache, le héros victorieux de la « queste du Saint Graal » » (Saint Bernard)

« [Ce n’est donc pas sans raison] que Dante prend comme guide, pour la fin de son voyage céleste, saint Bernard, qui établit la règle de l’Ordre du Temple ; et il semble avoir voulu indiquer ainsi que c’était seulement par le moyen de celui-ci qu’était rendu possible, dans les conditions propres à son époque, l’accès au suprême degré de la hiérarchie spirituelle. » (L ‘ésotérisme de Dante, ch.II)

« [...] on pourrait établir une comparaison entre les rôles respectifs des trois guides de Dante, Virgile, Béatrice et saint Bernard, et ceux du pouvoir temporel, de l’autorité spirituelle et de leur principe commun ; en ce qui concerne saint Bernard, ceci est à rapprocher de ce que nous indiquions précédemment. » (Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, ch.VIII)

Il est inutile de mentionner les rapports de saint Bernard et des templiers avec le « royaume de France » ; nous rappellerons seulement l'espèce de résumé qu'a fait Guénon de la légende du Saint Graal (dont le « secret », rappelons-le, a un rapport avec « la constitution très « positive » des centres spirituels ») : La table est un des symboles « qui furent toujours associés à l'idée des centres spirituels », écrit-il, et « la « Table Ronde », construite par le roi Arthur[12] sur les plans de Merlin, était destinée à recevoir le Graal lorsqu’un des Chevaliers serait parvenu à le conquérir et l’aurait apporté de Grande-Bretagne en Armorique », c'est à dire dans la France actuelle.

Notons toutefois que, selon Guénon, l'apogée du moyen âge ne se situe pas au XIIe siècle, celui de saint Bernard, mais au XIIIe, celui de saint Louis[13]. Or, ce dernier, plus peut-être encore que saint Bernard, est une figure évidente du « pouvoir suprême », si évidente d'ailleurs qu'on peut se demander pourquoi Guénon n'y fait nulle part allusion (nous ne voyons guère à signaler qu'une citation spirite, dont nous auront à reparler, ainsi qu'une note du Roi du monde dans laquelle il est question de « l'époque de saint Louis » à propos du « prêtre Jean », figure du pouvoir suprême). De même que saint Bernard était en quelque sorte « moine et chevalier tout ensemble », saint Louis, pourrait-on dire, était à la fois prêtre et roi, et la délivrance de la « Terre Sainte » était une des grandes préoccupations de l'un comme de l'autre. Les historiens, même simplement académiques, ne manquent guère à son sujet de faire allusion aux attributs fondamentaux du « Roi du monde », la « Justice » et la « Paix », ou encore à la figure de Salomon, dont le nom signifie « le Pacifique », et qui édifia le temple de Jérusalem (cf. Le Roi du monde, ch.VI) ; toutefois, c'est peut-être la figure du Christ qui lui est le plus couramment associée : ne dit-on pas qu'il mourut en prononçant les dernières paroles de Celui-ci sur la croix ? La couronne d'épine qu'il fit venir dans son royaume est à cet égard particulièrement emblématique, et si l'on se rappelle que pour Jeanne d'Arc, c'est le Christ qui est vrai roi de France[14], il est peut-être permis de se dire que saint Louis en fut une sorte de « préfiguration »[15] ; mais nous allons voir que Guénon lui-même a associé d'une certaine manière le Christ et la France. Qu'on lise par exemple ce long extrait d'un article sur Les symboles de l'analogie :

« Dans le symbolisme chrétien, [la figure basée sur la roue à six rayons, mais sans circonférence] est ce qu’on appelle le chrisme simple ; on la regarde alors comme formée par l’union des deux lettres I et X, c’est-à-dire des initiales grecques des deux mots Jêsous Christos, et c’est là un sens qu’elle paraît avoir reçu dès les premiers temps du christianisme ; mais il va de soi que ce symbole, en lui-même, est fort antérieur, et, en fait, il est un de ceux que l’on trouve répandus partout et à toutes les époques. Le chrisme constantinien, qui est formé par l’union des lettres grecques X et P, les deux premières de Christos, apparaît à première vue comme immédiatement dérivé du chrisme simple, dont il conserve exactement la disposition fondamentale, et dont il ne se distingue que par l’adjonction, à la partie supérieure du diamètre vertical, d’une boucle destinée à transformer l’I en P. Cette boucle, ayant naturellement une forme plus ou moins complètement circulaire, peut être considérée, dans cette position, comme correspondant à la figuration du disque solaire apparaissant au sommet de l’axe vertical ou de l’«  Arbre du Monde » [faut-il rapprocher cette dernière remarque de ce que nous avons dit, à la fin du deuxième chapitre de cette étude, sur la parole du Christ à Marie-Madeleine au tombeau ?] […]

« Il est intéressant de noter, en ce qui concerne plus spécialement le symbolisme héraldique, que les six rayons constituent une sorte de schéma général suivant lequel ont été disposées, dans le blason, les figures les plus diverses. Que l’on regarde, par exemple, un aigle ou tout autre oiseau héraldique, et il ne sera pas difficile de se rendre compte qu’on y trouve effectivement cette disposition, la tête, la queue, les extrémités des ailes et des pattes correspondant respectivement aux pointes des six rayons ; que l’on regarde ensuite un emblème tel que la fleur de lis, et l’on fera encore la même constatation. Peu importe d’ailleurs, dans ce dernier cas, l’origine historique de l’emblème en question, qui a donné lieu à nombre d’hypothèses différentes : que la fleur de lis soit vraiment une fleur, ce qui s’accorderait en outre avec l’équivalence de la roue et de certains symboles floraux tels que le lotus, la rose et le lis (ce dernier, du reste, a en réalité six pétales), ou qu’elle ait été primitivement un fer de lance, ou un oiseau, ou une abeille, l’antique symbole chaldéen de la royauté (hiéroglyphe sâr), ou même un crapaud[16], ou encore, comme c’est plus probable, qu’elle résulte d’une sorte de « convergence » et de fusion de plusieurs de ces figures, ne laissant subsister que leurs traits communs, toujours est-il qu’elle est strictement conforme au schéma dont nous parlons, et c’est là ce qui importe essentiellement pour en déterminer la signification principale.

« D’autre part, si l’on joint les extrémités des six rayons de deux en deux, on obtient la figure bien connue de l’hexagramme ou « sceau de Salomon », formée de deux triangles équilatéraux opposés et entrelacés ; l’étoile à six branches proprement dite, qui en diffère en ce que le contour extérieur seul est tracé, n’est évidemment qu’une variante du même symbole. L’hermétisme chrétien du moyen âge voyait entre autres choses, dans les deux triangles de l’hexagramme, une représentation de l’union des deux natures divine et humaine dans la personne du Christ ; et le nombre six, auquel ce symbole se rapporte naturellement, a parmi ses significations celles d’union et de médiation, qui conviennent parfaitement ici[17]. Ce même nombre est aussi, suivant la Kabbale hébraïque, le nombre de la création (« l’œuvre des six jours » de la Genèse, en relation avec les six directions de l’espace), et, sous ce rapport encore, l’attribution de son symbole au Verbe ne se justifie pas moins bien : c’est en somme, à cet égard, comme une sorte de traduction graphique de l’omnia per ipsum facta sunt de l’Évangile de saint Jean. »

Ce n'est pas là le seul passage de son œuvre où Guénon associe ainsi ces symboles entre eux (cf par exemple ce compte rendu ou Le chrisme et le cœur dans les anciennes marques corporatives) ; en divers endroit, il rapproche le Christ et le chrisme du « sceau de Salomon » et de la fleur de lys ; outre qu'il est ici fait allusion à la cathédrale du sacre des rois de France et à l'étendard de Clovis, il est inutile de dire que non seulement la fleur de lys est un emblème de la France, mais que cette dernière a précisément la forme d'un « sceau de Salomon », qu'on appelle aussi quelquefois « bouclier de David », « bouclier de Michaël » (désignation dont Guénon indique qu’elle pourrait « donner lieu à des considérations très intéressantes »), ou encore « Étoile des Mages »[18]. Nous connaissons déjà les rapports des « Rois Mages » avec le centre suprême, et ceux de Michaël avec le Christ ; quant à David et Salomon, ils étaient bien entendu rois de Juda, dont l'assimilation au royaume de France, comme celle des francs aux troyens[19], était chose courante au moyen âge ; qu'on lise par exemple le Recueil des décrétales du pape Grégoire IX, rédigé en 1234 par saint Raymond de Peñafort : « La tribu de Juda était la figure anticipée du royaume de France... et de même qu'autrefois la tribu de Juda reçut en héritage une bénédiction très spéciale parmi les autres fils du patriarche Jacob[20], ainsi la France reçut, de Dieu lui-même, des prérogatives extraordinaires... »  En effet, si la France est « fille aînée de l'église », Rome n'en est vraisemblablement que la fille cadette ; saint Pierre peut bien être le chef de l'Église extérieure, saint Jean n'en demeure pas moins à l'intérieur, au centre, sur le cœur du Christ (cf. Saint Jean, 13:23), et c'est à lui que fut confiée Marie, sa Mère (cf. Saint Jean, 19:26), dont nous rappelions au début le rapport avec la Shekina, "présence réelle de la divinité", "manifestation divine en ce monde, ou, en quelque sorte, Dieu habitant parmi les hommes" ; du reste, ne devrait-il pas être évident à ceux qui ont compris ce qu'était Guénon que ses livres n'ont pas été rédigés en français sans raison[21] ?

Cela dit, de tout ce que nous venons de rappeler, il a été fait de grossières caricatures, stigmatisées par Guénon en maints endroits, notamment à propos des pseudo-prophéties dont la partie relativement valable, dit-il, « semble se rapporter surtout au rôle du Mahdi et à celui du dixième Avatâra, [choses] qui concernent directement la préparation du « redressement » final », et dont la déformation « se prête à une exploitation « à rebours » dans le sens de la subversion » ; ces prédictions, en effet, outre qu’elles servent à augmenter le désordre de notre époque « en semant un peu partout le trouble et le désarroi » ("On ne saurait croire [...] combien de gens ont été déséquilibrés gravement, et parfois irrémédiablement, par les nombreuses prédictions où il est question du « Grand Pape » et du « Grand Monarque »"), peuvent aussi être en même temps « un moyen de suggestion directe contribuant à déterminer effectivement la production de certains événements futurs »[22] :

« Un fait particulièrement remarquable […] c’est la place considérable que tient là-dedans la hantise du « Grand Monarque », dont nous avons pu constater, en de multiples occurrences, la connexion constante avec toute sorte d’autres choses d’un caractère plutôt fâcheux. Puisque l’occasion s’en présente, nous dirons que, à la vérité, nous ne pensons pas qu’il ne s’agisse que d’une « invention » pure et simple ; il y a là, bien plutôt, quelque chose qui se rapporte effectivement à certains événements devant se produire vers la fin de la période cyclique actuelle, mais qui a été entièrement déformé par une « perspective » spécifiquement occidentale, et parfois même beaucoup plus étroitement « locale » encore, puisque la plupart des « voyants » et de leurs interprètes tiennent absolument à faire de ce « Grand Monarque » un roi de France, ce qui revient, en somme, à ne lui assigner dans l’histoire future qu’un rôle bien restreint et purement « épisodique » ; les prophéties authentiques visent des événements d’une tout autre ampleur… Le volume se termine par un appendice assez curieux : c’est une sorte de « recensement », si l’on peut dire, de tous les « prétendants » possibles au trône de France, et leur nombre est vraiment une chose incroyable ; on a d’ailleurs l’impression que certaines de ces généalogies royales ont dû être « brouillées » intentionnellement, tout comme le fut en dernier lieu l’affaire de la « survivance » de Louis XVII, qui, elle aussi, se trouve, ainsi que nous le faisions remarquer dernièrement encore, invariablement associée aux plus troubles énigmes du monde contemporain ; il faudrait assurément bien de la naïveté pour ne voir, dans certains enchaînements de faits, rien de plus que de simples « coïncidences » ! » (compte rendu d'un livre de Jean Fervan intitulé La Fin des Temps, Recueil des principales prophéties sacrées et prédictions sur notre époque et les « derniers temps », suivi d'une enquête sur « le prochain roi de France »)

Voici encore un passage du chapitre XI de L'erreur spirite, où il est question d'une école spirite « d'un caractère assez spécial » dont la publication compta parmi ses collaborateurs « plus d'un personnage suspect » (notamment probablement l'abbé Boullan) : « Dans une « communication », saint Louis nous apprend qu’il fut le roi David réincarné, et que Jeanne d’Arc fut Thamar, fille de David ; et Hab [la « voyante »] ajoute cette note : « Un rapprochement significatif : David a été la souche d’une famille prédestinée, et il fut celle de nos derniers rois. Saint Louis a présidé aux premiers enseignements spirites et s’est fait, au nom de Dieu, Père du Christianisme régénéré, par sa protection spéciale sur Allan Kardec. » De tels rapprochements sont surtout « significatifs » quant à la mentalité de ceux qui les font, mais ils ont un sens assez clair pour qui connaît les dessous politico-religieux de certains milieux : on s’y préoccupait beaucoup de la question de la « survivance » de Louis XVII ; d’autre part, on y annonçait, comme plus ou moins imminente, une seconde venue du Christ ; voulait-on donc insinuer que celui-ci se réincarnerait dans la nouvelle « race de David », et que peut-être il serait le « Grand Monarque » annoncé par la « prophétie d’Orval » et quelques autres prédictions plus ou moins authentiques ? Nous ne voulons pas dire, d’ailleurs, que ces prédictions soient, en elles-mêmes, totalement dénuées de valeur ; mais, comme elles sont formulées en termes peu compréhensibles, chacun les interprète à sa façon, et il y a des choses bien étranges dans le parti que certains prétendent en tirer. Plus tard, Mme Grange fut « guidée » par un « esprit » soi-disant égyptien, qui se présentait sous le nom composite de Salem-Hermès, et qui lui dicta tout un volume de « révélations » ; mais cela est beaucoup moins intéressant que les manifestations qui ont un lien plus ou moins direct avec l’affaire de Louis XVII, et dont la liste, commençant dès les premières années du XIXe siècle, serait fort longue, mais aussi fort instructive pour ceux qui ont la curiosité bien légitime de rechercher les réalités dissimulées sous certaines fantasmagories. »

Contrairement à ce que certains pourraient penser, ces citations n'infirment nullement ce que nous disions plus haut du rôle eschatologique de la France, bien au contraire. En effet, comme l'a écrit Guénon, « la « géographie sacrée » [...] est, comme toute autre science traditionnelle d’ordre contingent, susceptible d’être détournée de son usage légitime et appliquée « à rebours » : si un point est « privilégié » pour servir à l’émission et à la direction des influences psychiques quand celles-ci sont le véhicule d’une action spirituelle, il ne le sera pas moins quand ces mêmes influences psychiques seront utilisées d’une tout autre manière et pour des fins contraires à toute spiritualité […] on peut rappeler à cet égard l’adage ancien : « corruptio optimi pessima »» (Le règne de la quantité et les signes des temps, ch.XXVII). Si l'on joint à ceci le rapport inverse du « règne de l'Antéchrist » et du véritable « règne du Christ », et si l'on se souvient de la figure du Christ entrant à Jérusalem monté sur un âne, on peut facilement en déduire qu'il y a des chances pour que les « points stratégiques » de l'un et de l'autre se correspondent ou même se situent aux mêmes lieux ; et ceci ne pourrait-il pas avoir quelque rapport avec ce qui est dit dans l'évangile de « l' abomination de la désolation » établie dans le lieu saint ? [23]

Nous n'insisterons pas sur cette question ; du reste, il est évident que c'est sur l'Occident que ce sont portés les plus grands efforts de la contre-initiation depuis le début du monde moderne, qui y a pris naissance avant de se répandre partout, et l'on aura qu'à se rappeler à cet égard les « centres de projection des influences sataniques à travers le monde » dont a parlé Guénon dans un compte rendu, ces « sept tours du diable » qui semblent « disposées suivant une sorte d'arc de cercle entourant l'Europe à une certaine distance » (lettre du 25 mars 1937).

***

Maintenant, peut-on être plus précis encore grâce à Guénon, et identifier une région, voire même une ville française qui soit destinée à servir de « réceptacle » au centre suprême ? Peut-être. Tout d'abord, qu'on se réfère à l'article sur Les « têtes noires » : Guénon y enseigne que les peuples qui se qualifièrent ainsi ou d’une manière similaire, tels que les Ethiopiens (Aithi-ôps, "visages brulés"), les Chinois (li-min, "peuple noir" ou kien-cheou, "têtes noires"), les Chaldéens ou encore les Égyptiens (qui donnaient à leur pays le nom de "terre noire"), sont ceux « qui se considéraient comme occupant une situation « centrale » ; on connaît notamment, à cet égard, la désignation de la Chine comme le « Royaume du Milieu » (Tchoung-kouo), ainsi que le fait que l’Égypte était assimilée par ses habitants au « Cœur du Monde ». Cette situation « centrale » est d’ailleurs parfaitement justifiée au point de vue symbolique, car chacune des contrées auxquelles elle était attribuée était effectivement le siège du centre spirituel d’une tradition, émanation et image du centre spirituel suprême, et le représentant pour ceux qui appartenaient à la tradition envisagée, de sorte qu’elle était bien véritablement pour eux le « Centre du Monde[24] ». Or, le centre est, en raison de son caractère principiel, ce qu’on pourrait appeler le « lieu » de la non-manifestation ; comme tel, la couleur noire, entendue dans son sens supérieur, lui convient donc réellement ». 


Tout cela est certes intéressant, mais si nous rapprochons ces « têtes noires » des « vierges noires », comme cela a d'ailleurs déjà été fait (dans un article il est vrai fantaisiste, mais dont Guénon a fait un compte rendu où il y a  précisément une allusion aux "visages noirs"), alors les choses prennent un aspect assez inattendu.

Certes, comme l'a écrit Guénon, la couleur noire de ces vierges symbolise l'indistinction de la materia prima ; mais cette signification n'explique nullement la raison de leur apparition à telle époque et en tel lieu. Or, c'est en France que l'on trouve le plus de vierges noires, et de très loin ; en outre, en France même, elles sont principalement concentrées dans la région montagneuse du centre[25], où il en est une, notamment, qui nous intéresse particulièrement : celle du Puy en Velay (ville dont Jean Reyor écrit, dans un article publié en 1929 dans Le Voile d’Isis[26], qu’elle fut sans doute au XVe siècle le sanctuaire et le « Palladium » de la royauté française). Offerte selon une légende par saint Louis en 1254 au retour de la septième croisade, elle aurait été auparavant donnée au roi par le sultan de Jérusalem, et la tradition voulait encore qu’elle eût été sculptée par le prophète Jérémie lorsqu’il s’était retiré en Égypte. Jérémie, rappelons-nous, est aussi le nom du fleuve qui sort de l'Eden, et les allusions qui sont faites ici au "centre du monde", de Jérusalem à l'Égypte en passant par saint Louis, se passent nous semble-t-il de commentaire. Lorsque la Vierge noire fut brûlée (avec d'autres objets) à la Révolution, on découvrit dans les cendres une pierre ovale de jaspe sanguin, couverte de « hiéroglyphes et de figures égyptiennes », pierre "isiaque" selon les "experts" (ce qui est bien entendu à rapprocher de ce que nous avons dit déjà sur les objets symboliques, supports d’influences spirituelles ; et peut-être pourrait-on même rappeler ici l'acrostiche bien connu : Vitriolum) ; pour remplacer cette Vierge noire, on fit choix d’une autre, déjà vénérée dans l’église saint Maurice.

Ceci dit, dans la cathédrale du Puy, dont la façade à trois niveaux (un "souterrain", un autre "céleste") figure manifestement les « trois mondes », on trouve un autre objet sacré de couleur noire : la Pierre des Fièvres, ancienne table d’un dolmen, désignée par la Vierge elle-même comme miraculeuse ; et nous rappellerons, à cet égard, le neuvième chapitre du Roi du Monde"L'omphalos" et les "bétyles". D'ailleurs, il est dit que l'évêque Vosy, au moment de poser la première pierre du sanctuaire demandé par la Vierge, prononça les paroles même de Jacob à Béthel (Beith-El, "maison de Dieu") avant qu'il ne consacre la pierre sacrée, paroles dont il est justement question dans ce chapitre du Roi du Monde« Quam terribilis est locus iste (Que ce lieu est redoutable) ! C’est ici la maison de Dieu et la porte des Cieux ». En outre, il est une légende chargée de sens selon laquelle les ouvriers qui édifiaient le premier sanctuaire à la Vierge se plaignirent que les salaires trop bas ne leur permettaient pas d’acheter du pain ; le maître d’œuvre s’adressa alors à Marie, qui changea les pierres en tourtes, faisant ainsi du Puy une nouvelle Bethléem, la "maison du pain" (cf. encore le même chapitre du Roi du Monde).

D'autre part, il est à noter que "puy" est un mot occitan qui signifie "éminence" ou  "petite montagne". Or, le nom de la ville, après avoir été Anicium (du nom du mont Anis), devint au moyen-âge le "Puy-Sainte-Marie", c'est à dire la "Montagne-Sainte-Marie" ; et ceci est vraisemblablement à rapprocher des noms de Parvâti et de Cybèle, qui toutes deux sont la "déesse de la montagne", comme l'écrit Guénon dans Pierre noire et pierre cubique. Si donc l'on se rappelle, d'une part, que la Vierge noire est vêtue d'un manteau conique, et d'autre part, que la forme horizontale de la "Pierre des Fièvres" évoque la "passivité" ou plutôt la "réceptivité" universelle, peut-être est-il permis de penser que le sombre mont Anis, la Vierge et la table de dolmen noires sont tous trois comme diverses "hypostases" d'un même Principe. Est-il besoin de rappeler ici ce que nous avons dit déjà sur la Shekina et ses rapports avec la Vierge et la Terre sacrée ?

C'est la Pierre celtique qui fut à l’origine des pèlerinages au Puy-Notre-Dame, l’un des plus fréquentés de toute la chrétienté ; de nos jours encore, une grande foule s'y presse tous les ans pour la fête de l'Assomption, et aussi, et surtout, pour les années jubilaires, quand le Vendredi saint coïncide avec l'Annonciation (c'est à dire, symboliquement, quand la fin du cycle rejoint son commencement). Inutile de rappeler l’importance, soulignée par Guénon, des lieux de pèlerinages en tant que centres spirituels, et nous ajouterons encore en passant que le Puy, avec sa symbolique "cour de l'Épervier", était fort fréquenté des troubadours (que Guénon a rattaché aux Fidèles d'Amour).

Cela dit, il y a au Puy quelque chose qui est peut-être encore plus digne de remarque que tout ce que nous venons de dire, et qui devrait fort intriguer ceux qui ont lu le quatrième des douze chapitres du Roi du Monde. Dans ce livre, Guénon enseigne que les centres spirituels, aussi bien que les hiérarchies spirituelles, sont comme des images, par leurs structures symboliques, des principes informels de l’Existence ; et dans le chapitre en question, intitulé « les trois fonctions suprêmes », il explique qu’au sommet de la hiérarchie de notre monde, conformément à la structure même de l’Univers, il y a trois fonctions cosmologiques fondamentales (auxquelles nous avons déjà fait allusion à propos du Christ comme prophète, prêtre et roi) ; puis, il termine par la description de la structure duodénaire de certains centres spirituels. Nous disons bien duodénaire, et non pas ternaire, ce qui pourrait paraitre étonnant, vu le titre même de ce chapitre ; d’autant plus que, dans La Terre du Soleil, il est parlé des « trois points du triangle » en relation avec le symbolisme du centre spirituel primordial, sans parler de l’article sur les pyramides du Caire, ou encore de divers autres sur le symbolisme maçonnique ; d’ailleurs, vu ce que nous avons dit plus haut de la Maçonnerie et de sa relation avec le « règne du saint Empire », ce n’est peut-être pas sans raison que, dans ces articles, il y ait tant d’allusions à différents ternaires à propos de la constitution des centres spirituels[27].

Maintenant, au Puy, il y a trois sommets « sacrés » qui correspondent exactement aux trois fonctions suprêmes : au pouvoir temporel correspond le rocher Saint Joseph d’Espaly, où s’élevait autrefois un château fort qui accueillit plusieurs rois de France ; à l’autorité spirituelle correspond le rocher Corneille[28], avec l’ évêché et la cathédrale ; enfin, au principe commun de l’un et de l’autre correspond le pic de Saint Michel d’Aiguilhe, dont la chapelle est dédiée à l’archange solaire, que Guénon a expressément identifié à ce principe même[29]. Ainsi, le site du Puy est semblable à celui où, selon les rituels de la Maçonnerie adonhiramite (cités par Guénon dans un article où il est question d’héritage des Templiers, de Jérusalem, de son temple et de ses constructeurs), fut tenue la première loge : « vallée profonde où règnent la paix, les vertus (ou la vérité) et l'union, vallée qui était comprise entre les trois montagnes Moriah, Sinaï et Heredon (sic) ».

En outre, lorsque, du rocher d'Aiguilhe ou de celui d'Espaly, l'on regarde la vallée qui s'étend à ses pieds, on ne peut manquer d'être frappé par l'imposante église St Laurent (où se trouve un tombeau de Du Guesclin), et de se rappeler les rites dans lesquels, d'après Guénon, une « présence spirituelle » « se manifeste en quelque sorte à l'intersection des « lignes de force » allant de l'un à l'autre de ceux qui y participent, comme si sa « descente » était appelée directement par la résultante collective qui se produit en ce point déterminé  et qui lui fournit un support approprié » ; d'autant plus que, dans certaines formes initiatiques, ajoute-t-il, un minimum de trois participants est requis pour l'efficacité d'un tel rite.

Comment s’étonner, après tout cela, des signes gravés dans l’encadrement des grandes « portes de cèdre » de la cathédrale ? Sur l’une d’elle, une inscription arabe : « le Royaume (à) Allah », ou « la Royauté (à) Allah »[30] ; sur l’autre, dans un style tout différent, ce qui est pour le moins curieux, une sorte de « sceau de Salomon » modifié de façon à ce que la ligne reste continue[31] ; ne voit-on pas que ces deux encadrements expriment la même chose, et que le « sceau de Salomon », outre ce que nous en avons déjà dit, est comme une forme graphique de la formule du Pater : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ?

Sur un écriteau de la basilique du Puy, on pouvait autrefois lire ce sixtain :

Parmi le sol velaunois
Brillent ainsi qu’en l’Indois
À foison les pierreries
Ès monts, ès champs et prairies
Dont l’éclatante lueur
Fait preuve de leur valeur.

Et le jurisconsulte Jean Barbier d’Yssingeaux, de son côté, écrivait de ce pays de volcans qu'il était « semblable à la Syrie et au pays jadis donné aux Israélites » : l'Inde, la Syrie, la Terre promise, et qui plus est, des montagnes et des cavernes... Qui sait ce que tout cela peut vouloir dire ? Le 23 janvier 1936, on demandait à Ramana Maharshi (dont l'éminence a été indiquée par Guénon dans ses comptes rendus) si la sainte montagne Arunachala était creuse : "Les Purana l'affirment", répondit-il : "Il est dit du Cœur qu'il est une cavité ; et celui qui y pénètre réalise qu'il s'agit d'une expansion de lumière. De même, cette Montagne est Lumière ; ses cavernes, etc., sont recouvertes par la Lumière." "Il y a des cavernes à l'intérieur ?" "Dans des visions, j'ai vu des cavernes, des villes avec leurs rues, etc., et tout un monde en elle." "S'y trouve-t-il aussi des Siddha ?" "Tous les Siddha sont tenus pour y être." "Seulement des Siddha, ou d'autres aussi ?" "C'est comme dans ce monde".




[1] Il est d’ailleurs déclaré très explicitement, dans l’Évangile même, que ce dont il s’agit n’est point la paix au sens où l’entend le monde profane (St Jean, XIV, 27).

[2] La Kabbale juive, t. I, p. 503.

[3] Ibid., t. I, pp. 506-507


[4] Sur le Rosicrucianisme, cf. surtout le ch.XXXVIII des Aperçus sur l'initiation (Rose-Croix et Rosicruciens), et aussi le ch.IV de l'Ésotérisme de Dante (Dante et le Rosicrucianisme), dont nous extrairons les lignes suivantes : "Cette doctrine ésotérique, quelle que soit la désignation particulière qu’on voudra lui donner jusqu’à l’apparition du Rosicrucianisme proprement dit (si toutefois on trouve nécessaire de lui en donner une), présentait des caractères qui permettent de la faire rentrer dans ce qu’on appelle assez généralement l’hermétisme. L’histoire de cette tradition hermétique est intimement liée à celle des Ordres de chevalerie ; et, à l’époque dont nous nous occupons, elle était conservée par des organisations initiatiques comme celle de la Fede Santa et des Fidèles d’Amour, et aussi cette Massenie du Saint Graal dont l’historien Henri Martin parle [...] précisément à propos des romans de chevalerie, qui sont encore une des grandes manifestations littéraires de l’ésotérisme au moyen âge [...]" D'autre part, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que les organisations du XVIIe siècle qui se firent connaitre sous le titre de Rose-Croix  étaient déjà "plus ou moins déviées, ou en tout cas fort éloignées de la source originelle. À plus forte raison en fut-il ainsi pour les organisations qui se constituèrent plus tard encore sous le même vocable, et dont la plupart n’auraient sans doute pu se réclamer, à l’égard des Rose-Croix, d’aucune filiation authentique et régulière, si indirecte fût-elle [Il en fut vraisemblablement ainsi, au XVIIIe siècle, pour des organisations telles que celle qui fut connue sous le nom de « Rose-Croix d’Or »] ; et nous ne parlons pas, bien entendu, des multiples formations pseudo-initiatiques contemporaines qui n’ont de rosicrucien que le nom usurpé, ne possédant aucune trace d’une doctrine traditionnelle quelconque, et ayant simplement adopté, par une initiative tout individuelle de leurs fondateurs, un symbole que chacun interprète suivant sa propre fantaisie, faute d’en connaitre le véritable sens, qui échappe tout aussi complètement à ces prétendus Rosicruciens qu’au premier profane venu." "[...] les occultistes de toute école n’ont absolument aucun droit à se réclamer du Rosicrucianisme, non plus que de tout ce qui présente, à quelque égard que ce soit, un caractère vraiment traditionnel, ésotérique ou initiatique." Cf. encore le ch.III du Théosophisme (La société théosophique et le Rosicrucianisme), ou encore, par exemple, les comptes rendus de The Rosicrucian Fraternity in America, Vol.1 et Vol.2.

[5] "[...] il faut remarquer en outre que le « Saint-Empire » a une signification symbolique, et qu’aujourd’hui encore, dans la Maçonnerie écossaise, les membres des Suprêmes Conseils sont qualifiés de dignitaires du Saint-Empire, tandis que le titre de « Prince » entre dans les dénominations d’un assez grand nombre de grades. De plus, les chefs de différentes organisations d’origine rosicrucienne, à partir du XVIe siècle, ont porté le titre d’Imperator ; il y a des raisons de penser que la Fede Santa, au temps de Dante, présentait certaines analogies avec ce que fut plus tard la « Fraternité de la Rose-Croix », si même celle-ci n’est pas plus ou moins directement dérivée de celle-là." À propos de Maçonnerie et d'hermétisme, nous citerons aussi Parole perdue et mots substitués par souci d'exactitude : "[...] quelles que soient les affinités qui existent entre [la Maçonnerie proprement dite et l'hermétisme chrétien], il n’est cependant pas possible de les considérer comme identiques, car, même lorsqu’ils font jusqu’à un certain point usage des mêmes symboles, ils n’en procèdent pas moins de « techniques » initiatiques notablement différentes à bien des égards."

[6] « On devra bien remarquer, d’ailleurs, que, s’il y a dans l’Évangile des paroles et des faits qui permettent d’attribuer directement les clefs et la barque [attributs de Janus] à saint Pierre, c’est que la Papauté, dès son origine, était prédestinée à être « romaine », en raison de la situation de Rome comme capitale de l’Occident. » (Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch.VIII)

[7] On pourrait avoir un échantillon de ce genre d’incompréhension en lisant les histoires répandues autour du site de Rennes le Château ; sauf que dans ce cas, ce n’est plus « d’influences spirituelles » qu’il s’agit, mais bien plus vraisemblablement d’un centre de forces psychiques maléfiques.- Dans un ordre d’idée connexe, citons ces lignes de l’Erreur spirite : « En dehors du spiritisme, il y eut aussi une société secrète anglo-américaine qui enseigna l’identité de saint Paul et d’Apollonius, en prétendant que la preuve s’en trouvait « dans un petit manuscrit qui est maintenant conservé dans un monastère du Midi de la France » ; il y a bien des raisons de penser que cette source est purement imaginaire, mais la concordance de cette histoire avec les « communications » spirites dont il vient d’être question rend l’origine de celles-ci extrêmement suspecte, car elle permet de penser qu’il y eut là autre chose qu’un produit de la « subconscience » de deux ou trois déséquilibrés. » [Note : « La société secrète dont il s’agit se désignait, de façon plutôt énigmatique, par la dénomination d’« Ordre S. S. S. et Fraternité Z. Z. R. R. Z. Z. » ; elle fut en hostilité déclarée avec la H. B. of L. »] Et autre part, Guénon écrit qu’Aleister Crowley, outre l’O.T.O., « dû aussi recueillir antérieurement l’héritage de l’Ordre S.S.S. et de la Fraternité Z.Z.R.R.Z.Z., dont la R.I.S.S. paraît ignorer l’existence [ou fait semblant d'ignorer l'existence...] ».

[8] « Exode, XVII, 5. – Le breuvage donné par cette pierre doit être rapproché de la nourriture fournie par le Graal considéré comme « vase d’abondance ». »

[9] « I Corinthiens, X, 4. – On remarquera le rapport qui existe entre l’onction de la pierre par Jacob, celle des rois à leur sacre, et le caractère du Christ ou du Messie, qui est proprement l’« Oint » par excellence. »

[10] Guénon, dans « Lapsit exilis », met le nom de Joseph d’Arimathie en rapport avec celui du prophète Joseph, qui possédait la « coupe oraculaire » en Égypte ; et il est curieux, si l’on identifie le Graal au Christ, de noter que celui-ci eut encore un « gardien », si l’on peut dire, en saint Joseph.

[11] « Il y a […], en ce qui concerne la transmission du pouvoir royal, quelques cas exceptionnels où, pour des raisons spéciales, il est conféré directement par des représentants du pouvoir suprême, source des deux autres : c’est ainsi que les rois Saül et David furent consacrés, non par le Grand-Prêtre, mais par le prophète Samuel. On pourra rapprocher ceci de ce que nous avons dit ailleurs (Le Roi du Monde, ch. IV) sur le triple caractère du Christ comme prophète, prêtre et roi, en rapport avec les fonctions respectives des trois Rois-Mages, correspondant elles-mêmes à la division des « trois mondes » […] : la fonction « prophétique », parce qu’elle implique l’inspiration directe, correspond proprement au « monde céleste ». (Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, ch.V)

[12] Le nom d’Arthur a un sens très remarquable, qui se rattache au symbolisme « polaire » et que nous expliquerons peut-être en une autre occasion. [Cf. Le Sanglier et l’Ourse]

[13] Selon Guénon, la phase de décadence proprement moderne commence au XIVe siècle, avec la destruction de l’ordre du Temple ; en reprenant le symbolisme des moitiés ascendante et descendante de l’année, on pourrait donc dire que la phase ascendante correspond au moyen-âge, depuis la fin des invasions barbares jusqu’au siècle de saint Louis, tandis que la phase descendante, dans laquelle nous sommes présentement, commence avec le XIVème siècle ; et il est à noter que, dans la chronologie Joachimite, dont nous avons déjà parlé, le commencement de la période régie par l'Esprit-Saint coïncide avec le règne de saint Louis. On peut encore noter que Philippe le Bel était le petit fils de saint Louis, comme Manassé, qui provoqua la colère de l'Éternel, était le fils d'Ézéchias, le meilleur roi de Juda (II Rois, 18-23) ; et peut-être peut-on rapprocher ceci de cette note de L'Archéomètre : "Le Kali-Youga [l'"âge sombre"] commence 36 ans après la mort de Krishna ; de même, 36 ans après la mort du Christ (ou plus exactement de Jésus, considéré comme manifestation terrestre du principe Christos, car la mort ne peut pas atteindre un principe, mais seulement l’individualité symbolique qui manifeste ce principe  pour nous), c’est-à-dire en l’an 70, a lieu la destruction de Jérusalem par les Romains, commencement de la dispersion définitive des Juifs, qui correspond pour eux à l’ère du Kali-Youga. Il y a là un rapprochement à signaler, et sur lequel nous aurons d’ailleurs à revenir par la suite, lorsque nous étudierons la succession des manifestations de Vishnou et leurs rapports".- Citons encore une note de l'Erreur spirite, sans d'ailleurs prétendre en tirer aucune conclusion (et tout en rappelant que le VIe siècle avant l’ère chrétienne fut selon Guénon une "barrière" historique) : [selon une théorie de la H.B. of L.des « incarnations messianiques volontaires » [...] se produiraient tous les six cents ans environ, c’est-à-dire à la fin de chacun des cycles que les Chaldéens appelaient Naros, mais sans que le même esprit s’incarne jamais ainsi plus d’une fois, et sans qu’il y ait consécutivement deux semblables incarnations dans une même race ; la discussion et l’interprétation de cette théorie sortiraient entièrement du cadre de la présente étude. »


[14] Citons cependant une lettre de Guénon à Vasile Lovinescu (10 novembre 1936) : "On parle toujours de 7 Pôles secondaires, bien que, naturellement, leur correspondance ait changé suivant les périodes. Le “Roy du Ciel” peut avoir été l’un d’eux, car il est bien entendu que les désignations qui conviennent en premier lieu au Pôle suprême peuvent s’appliquer aussi à ses représentants par rapport à telle ou telle forme traditionnelle."


[15] Il est un épisode du règne de saint Louis fort significatif : la réception qu’il fit, à Chypre (île dont Guénon a souligné l’importance dans la géographie sacrée), d’une ambassade de deux nestoriens (les nestoriens ayant été à cette époque, d’après Guénon, une des « couvertures » de l’Agarttha) : ceux-ci se disaient envoyés par le plus grand roi d’Orient, le « Noble Combattant du Monde », « le Défenseur de la Légion des Douze », au plus grand roi d’Occident : « Le souverain qui nous envoie », dirent-il, « pense que c’est le Roi de France qui est le chef naturel de la chrétienté d’Occident ». – Si l'on se reporte à ce que nous avons dit d'Hénoch dans l'introduction de cette étude, on pourra comprendre, grâce à tout ceci, pourquoi certains établissent entre lui et saint Louis un rapport similaire à celui qui relie Élie à Guénon ; et pour finir, nous citerons encore ces lignes du Duc de Lévis Mirepoix : « Quelle que fût la simplicité du roi, il inspirait d’ailleurs une telle crainte révérencielle que ses plus familiers, ses proches – Joinville l’a bien noté – n’osaient s’asseoir trop près de lui. »

[16] Cette opinion, si bizarre qu’elle puisse paraître, a dû être admise assez anciennement, car, dans les tapisseries du XVe siècle de la cathédrale de Reims, l’étendard de Clovis porte trois crapauds. Il est d’ailleurs fort possible que, primitivement, ce crapaud ait été en réalité une grenouille, animal, qui en raison de ses métamorphoses, est un antique symbole de « résurrection », et qui avait gardé cette signification dans le christianisme des premiers siècles.

[17] Dans le symbolisme extrême-oriental, six traits autrement disposés, sous la forme de lignes parallèles, représentent pareillement le terme moyen de la « Grande Triade », c’est-à-dire le Médiateur entre le ciel et la terre, l’«  Homme véritable » unissant en lui les deux natures céleste et terrestre. 

[18] Jean Reyor, dans le Voile d'Isis d'août-septembre 1929, a publié un curieux article intitulé Le Temple de Paris, dans lequel il est question du "sceau de Salomon" ; nous le reproduisons pour les raisons que nous avons déjà indiquées à propos de L'ordre du Temple et la question des deux Pontificats.

[19] Selon ce que nous avons dit plus haut à propos de « la répartitions des influences spirituelles en action dans notre monde », il ne faut évidemment pas voir dans ce genre de « lignage » quelque chose de corporel. En ce qui concerne la « migration » spirituelle des « troyens », on peut peut-être y voir en quelque sorte une transmission accompagnant la marche du cycle de l’Orient vers l’Occident ; il en va de même de ce qui est dit du « trésor de Jérusalem », qui des juifs passa aux romains, puis des romains aux « barbares », qui l’emportèrent en Gaule. Il est à noter que, conformément à ce que nous verrons par la suite à propos de la « géographie sacrée », ces « migrations » peuvent aussi avoir un caractère maléfique ; et peut-être les deux exemples que nous venons de mentionner ne sont-ils pas sans rapport, à ce point de vue, avec l’association, rappelée par Guénon, de l’emblème du scorpion à la fois aux juifs et aux romains, qui pourraient représenter ici en quelque sorte la corruption des deux domaines respectivement spirituel et temporel.

[20] Cf. Genèse 49:10 : « Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Schilo » (c'est à dire paraît-il le Messie).


[21] Dans la conclusion de l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, Guénon écrit que "[les préjugés de l'Occident moderne] sont portés à leur plus haut degré chez les peuples germaniques et anglo-saxons, qui sont ainsi, mentalement plus encore que physiquement, les plus éloignés des Orientaux ; comme les Slaves n’ont qu’une intellectualité réduite en quelque sorte au minimum, et comme le Celtisme n’existe plus guère qu’à l’état de souvenir historique, il ne reste que les peuples dits latins, et qui le sont en effet par les langues qu’ils parlent et par les modalités spéciales de leur civilisation, sinon par leurs origines ethniques, chez lesquels la réalisation d’un plan comme celui que nous venons d’indiquer pourrait, avec quelques chances de succès, prendre son point de départ."- "[...] il se peut que le monde soit en réalité beaucoup plus « géométrique » qu’on ne le pense", écrit encore Guénon ; et dans À propos des pèlerinagesil a fait l'éloge de l'article de Grillot de Givry, "Les Foyers du mysticisme populaire", où il est montré que "l'Europe et l' Asie [...] sont deux masses terrestres géométriquement semblables, dont la première est le diminutif de la seconde" (les presqu'îles ibérique, italique avec la Sicile, balkanique et la Bretagne correspondant respectivement aux presqu'îles arabique, hindoustanique avec Ceylan, indo-chinoise et d'Anatolie). Tout ceci fait que nous nous demandons si la France ne serait pas en Europe comme au centre d'une sorte de croix de saint André.

[22] Guénon ajoute : « croit-on, par exemple, et pour prendre ici un cas très simple afin de nous faire mieux comprendre, que, en annonçant avec insistance une révolution dans tel pays et à telle époque, on n’aidera pas réellement à la faire éclater au moment voulu par ceux qui y ont intérêt ? » - On peut ajouter que bon nombre de ces prédictions sont si obscures, qu’elles semblent n’avoir été faites que dans le dessein de servir de support auxinterprétations tendancieuses (cf. le compte rendu qu'a fait Guénon d'un livre de Piobb sur certaines de ces prédictions). Il y a même de soi-disant « secrets » qui demeurent « occultés » malgré les promesses de leurs « dévoilements » ; ici, le champs des interprètes est donc en quelque sorte maximal, tant pour ce qui concerne le contenu du « secret », que pour les raisons de son « non-dévoilement ».

[23] Si l’on se souvient de la citation d’Henri Martin sur le Titurel de Wolfram d’Eschenbach, d’après laquelle une « hypostase » du Graal aurait été gardée « en Gaule, aux confins de l’Espagne », peut-être est-il alors permis de penser que les considérations que nous exposons ici ne sont pas sans rapport avec ce que nous indiquions précédemment au sujet de Rennes le Château, qui, de « porte des cieux », serait devenu « porte des enfers » ; dans ce cas, la « tour Magdala » ferait figure d’une de ces « tours du diable » dont nous allons parler.

[24] Voir La Grande Triade, ch. XVI

[25] « La localisation du Centre qui a “missionné” Jeanne d’Arc est sans doute une question difficile à éclaircir ; il n’est pas invraisemblable, en somme, qu’il ait pu être en Dacie, et même cela paraîtrait plus plausible que l’idée de certains qui ont voulu le situer dans la région montagneuse du centre de la France […] » (lettre du 5 janvier 1936 à Vasile Lovinescu)

[26] Il s’agit de L’ordre du Temple et la question des deux Pontificats, auquel nous avons déjà renvoyé. – Jean Reyor semble trouver fort significatif le pèlerinage au Puy que fit Elisabeth Romée, la mère de Jeanne d‘Arc, au moment même où celle-ci se rendait à Chinon (cf. sa présentation, paru dans Le Voile d’Isis en mars 1930, des Foyers du mysticisme populaire de Grillot de Givry). – Quant à Guénon, il n’a mentionné nulle part le Puy en Velay, à notre connaissance du moins ; il y a seulement le compte rendu d’un livre intitulé Les Loges maçonniques dans la Haute-Loire, dont l'intérêt n'apparaît d'ailleurs peut-être pas très clairement.

[27] « Un point curieux à noter, c’est que les « maîtres d’œuvre » français paraissent avoir eu une part prépondérante dans la construction des grandes cathédrales des autres pays, d’où l’auteur croit pouvoir conclure que la Maçonnerie opérative a dû prendre naissance en France ; ce n’est assurément là qu’une hypothèse, mais il en trouve une confirmation dans la similitude que présentent l’organisation des Hütten allemandes et celle des Lodges anglaises et écossaises, alors qu’il est peu vraisemblable qu’elles aient eu des rapports directs entre elles. Il y a peut-être là quelque exagération due à une perspective trop exclusivement « nationale », mais il n’en est pas moins vrai que l’exposé « légendaire » contenu dans certains manuscrits anglais des Old Charges semblerait suggérer lui-même quelque chose de ce genre, tout en le reportant d’ailleurs à une époque notablement antérieure à celle des cathédrales « gothiques » ; nous ajouterons seulement que, si on admet que c’est de France que la Maçonnerie opérative fut importée en Angleterre et en Allemagne, cela ne préjuge pourtant rien quant à son origine même, puisque, d’après les mêmes « légendes », elle serait d’abord venue d’Orient en France, où elle aurait été apparemment introduite par des architectes byzantins. »

[28] Ce nom (comme peut-être celui d’Aiguilhe) est à rapprocher des considérations développées par Guénon dans Le symbolisme des cornes ; et ce qui est curieux, c’est qu’il y eut au Puy une Confrérie des Cornards, bien connue des Ponots pour son caractère  « dionysiaque » ; faut-il rapprocher ceci des propos de Guénon sur Dionysos, dans le même article ? Celui-ci vaut d’ailleurs la peine que nous nous y arrêtions : signalons, à propos de ce qui y est dit d’Apollon comme « protecteur des sources », le puits à l’eau miraculeuse qui se trouve derrière le chevet de la cathédrale du Puy ; mais surtout, nous ferons remarquer qu’à côté de Dionysos, il y est encore question de Moïse et d’Alexandre le Grand, qui semblent avoir tous deux un rapport avec le « Seigneur de la Terre », le « Grand Prophète », le Mahdi, dont nous avons déjà parlé. Pour ce qui est d’Alexandre, ce rapport ressort des légendes orientales dans lesquelles il est guidé par El-Khidr vers la Fontaine d’immortalité, la Rivière de Vie qui coule dans la Terre des Ténèbres à l’extrême Occident : il y est en effet accompagné d’Élie et de son cuisinier Andreas, déformation d’Idris (le nom d’Hénoch dans la tradition islamique) ; et, à propos de la dénomination « Alexandre aux deux cornes », faut-il voir l’indication donnée par Guénon sur la signification du mot qarn, signifiant « corne », mais aussi « âge » ou « cycle », comme une allusion au rôle de Noé ou de ses équivalents, à la fin d’un cycle et au début du suivant (« cette double signification », écrit-il, « entraîne parfois une curieuse méprise, certains croyant que l’épithète dhûl-qarnein appliquée à Alexandre veut dire que celui-ci aurait vécu deux siècles ») ?

[29] L'union de l'autorité spirituelle et du pouvoir temporel est expressément représentée par la crosse et l'épée du blason des évêques du Puy, dont l'un des plus fameux, outre Guy Fulcodi (troubadour, conseiller de saint Louis, archevêque de Narbonne puis pape), fut Adhémar de Monteil, chef spirituel de la première croisade et auteur, dit-on, du Salve Regina, "l'antienne du Puy". En outre, une intervention du pouvoir suprême semble indiquée par un épisode de la "légende" : une fois l'église demandée par la Vierge achevée (église dont le contour avait été tracé par un cerf sur de la neige tombée là en plein mois de juillet), l'évêque du Puy, accompagné du patricien Scutaire, se dirige vers Rome, aucune église ne pouvant alors être consacrée sans permission particulière du Saint-Siège. Seulement, à peine avaient-ils fait une heure de chemin, qu'au lieu-dit "les trois pierres", deux vieillards habillés de blanc leur intiment de retourner d'où ils viennent, les chargent de reliques et disparaissent sur ces mots: "nous vous précédons et vaquerons à tout". L'évêque et son compagnon s'en retournent donc, et, à l'approche du temple sacré qu'on appellera désormais "Chambre angélique", ils trouvent la cathédrale baignée de lumière, ses cloches mues par une force invisible, et les anges ayant déjà célébré le rite de la consécration.

[30] Cf. Sur l'inscription arabe de la cathédrale du Puy, article d’après lequel il s’agirait des lettres alif, lam, mim, lam, kaf, lam, lam, ha - Notons que Guénon a souligné l’importance de l’influence islamique en Occident au moyen âge, et notamment celle d’Ibn ‘Arabî, appelé Esh-Sheikh el-akbar dans l’ésotérisme islamique, « c’est-à-dire le plus grand des Maîtres spirituels, le Maître par excellence », dont il cite, dans Le règne de la quantité et les signes des temps, ces vers célèbres, qui se réfèrent manifestement à la source commune de toutes les traditions : « Mon cœur est devenu capable de toute forme : il est un pâturage pour les gazelles et un couvent pour les moines chrétiens, et un temple pour les idoles, et la Kaabah du pèlerin, et la table de la Thorah et le livre du Qorân. Je suis la religion de l’Amour, quelque route que prennent ses chameaux ; ma religion et ma foi sont la vraie religion ».- À propos des relations entre chrétiens et musulmans au moyen âge, nous pouvons encore mentionner la "légende" selon laquelle le sarrasin Mirat, assiégé par le futur Charlemagne dans le château de Mirambel (qui devint plus tard Lourdes), n'accepta de se rendre qu'à Notre Dame du Puy (qui devint d'ailleurs plus tard suzeraine de la totalité du comté de Bigorre, celui-ci lui ayant été donné par le comte Bernard Ier, qui s'était reconnu son vassal ; et pour certains, c'est l'aigle aux ailes à-demi éployées des armes du Puy qui se rendit à Lourdes, dont les armes portent un aigle aux ailes largement éployées).

[31] "[...] il est arrivé souvent que les obscurités et même les contradictions soient parfaitement voulues, et que les détails inutiles aient expressément pour but d’égarer l’attention des profanes, de la même façon qu’un symbole peut être dissimulé intentionnellement dans un motif d’ornementation plus ou moins compliqué ; au moyen âge surtout, les exemples de ce genre abondent, ne serait-ce que chez Dante et les « Fidèles d’Amour »."

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