IX. La grande imposture



« […] Les idées messianiques et millénaristes prennent actuellement une singulière extension dans certaines sectes protestantes : telle est, par exemple, celle des « Adventistes », qui annoncent pour une date peu éloignée la fin du monde et le retour du Christ glorieux. En outre, aujourd’hui plus que jamais, les prophètes et les Messies prétendus pullulent étrangement dans tous les milieux où l’on s’occupe d’occultisme : nous en avons connu un certain nombre, en dehors d’Alcyone et du théosophisme, et on en annonce encore d’autres ; l’idée d’une prochaine « réincarnation du Christ » se répand maintenant dans les cercles spirites ; faut-il voir là un signe des temps ? Quoi qu’il en soit, et sans prétendre risquer la moindre prédiction, il est bien difficile, en présence de toutes ces choses, de s’empêcher de penser à ces paroles de l’Évangile : « Il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, qui feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes »[1]. Assurément, nous n’en sommes pas encore là ; les faux Messies que nous avons vus jusqu’ici n’ont fait que des prodiges d’une qualité fort inférieure, et ceux qui les ont suivis n’étaient probablement pas bien difficiles à séduire ; mais qui sait ce que nous réserve l’avenir ? Si l’on réfléchit que ces faux Messies n’ont jamais été que des instruments plus ou moins inconscients entre les mains de ceux qui les ont suscités, et si l’on se reporte en particulier à la série de tentatives faites successivement par les théosophistes, on est amené à penser que ce ne sont là que des essais, des expériences en quelque sorte, qui se renouvelleront sous des formes diverses jusqu’à ce que la réussite soit obtenue, et qui, en attendant, ont toujours pour résultat de jeter un certain trouble dans les esprits. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que les théosophistes, non plus que les occultistes et les spirites, soient de force à réussir pleinement par eux-mêmes une telle entreprise ; mais n’y aurait-il pas, derrière tous ces mouvements, quelque chose d’autrement redoutable, que leurs chefs mêmes ne connaissent peut-être pas, et dont ils ne sont pourtant à leur tour que de simples instruments ? » (Le Théosophisme, Histoire d’une Pseudo-Religion, ch. XXVIII)

Guénon, dans son œuvre, a donné des indications grâce auxquelles il est possible de deviner, du moins dans une certaine mesure, comment s’y prendra la « contre-initiation » pour imposer « l’Antéchrist » comme un Messie. Ce qu’il nous semble important de considérer, à cet égard, c’est la dualité qui, étant au départ même de toute manifestation, régit les forces de la nature, et notamment celles du domaine subtil ou psychique, qui est, « sous tous les rapports, le champ d’influence privilégié de « Satan » dans l’ordre humain et même dans l’ordre cosmique ».

Comme l’enseigne Guénon dans Le règne de la quantité et les signes des temps, l’action antitraditionnelle s’est exercée en deux phases : une phase de « solidification », aboutissant au matérialisme proprement dit, puis la phase actuelle de « dissolution », caractérisée par une spiritualité à rebours dans laquelle n’entrent en fait que des forces subtiles de l’ordre le plus inférieur ; et bien entendu, cette fausse spiritualité prétend s'opposer au matérialisme de la « vie ordinaire ». Du fait de la confusion presque générale du psychique et du spirituel, il suffira donc à la contre-initiation d‘avoir une maîtrise suffisante des forces subtiles, comme cela est d’ailleurs le cas, pour apparaître comme « divine » par la production d’on ne sait quels phénomènes plus ou moins extraordinaires ; et il suffit d’examiner quelques-unes des si nombreuses « apparitions mariales » d’origines suspectes pour se rendre compte combien les gens se laissent facilement abuser par le moindre phénomène un tant soit peu bizarre, si grotesque soit-il[2]. Cette « spiritualité à rebours », c’est « le « renouveau spirituel » dont certains, parfois fort inconscients, annoncent avec insistance le prochain avènement, ou encore l’« ère nouvelle » dans laquelle on s’efforce par tous les moyens de faire entrer l’humanité actuelle[3], et que l’état d’« attente » générale créé par la diffusion des prédictions dont nous avons parlé peut lui-même contribuer à hâter effectivement. »

D’ailleurs, il semble bien que cette « ère nouvelle » doive forcément advenir, d’une manière ou d’une autre, car le « néo-spiritualisme » ne s’oppose qu’en apparence au matérialisme, dont il est en fait l’aboutissement logique, et dont il pousse en réalité les tendances jusqu’à leurs extrêmes limites (rappelons d'ailleurs en passant qu'à l'égard du "néo-spiritualisme", Guénon eut à parler d'une "matérialisation" du suprasensible). Ce n’est pas ici le lieu de nous attarder sur cette question ; disons seulement que, comme Guénon l’a enseigné dans Le règne de la quantité et les signes des temps, il vient un moment, dans la réduction de toutes choses à la quantité qui caractérise la marche descendante du cycle, où la quantité continue est en quelque sorte « pulvérisée » en quantité discontinue : c’est alors que la tendance qui jusque-là favorisait la « solidification » devient elle-même une tendance vers la « dissolution »[4]. Du reste, même en envisageant simplement les choses sous l’aspect de l’opposition, on en arrive aux mêmes conclusions, ainsi que le montre Guénon dans l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues :

« […] il nous paraît difficile […] qu’il ne se produise pas tôt ou tard une réaction qui pourrait, sous certaines conditions, avoir les plus heureux effets ; cela nous paraît même d’autant plus difficile que le domaine dans lequel se développe la civilisation occidentale moderne est, par sa nature propre, le plus limité de tous. De plus, le caractère changeant et instable qui est particulier à la mentalité de l’Occident permet de ne pas désespérer de lui voir prendre, le cas échéant, une direction toute différente et même opposée, de sorte que le remède se trouvera alors dans ce qui est, à nos yeux, la marque même de l’infériorité ; mais ce ne serait vraiment un remède, nous le répétons, que sous certaines conditions, hors desquelles ce pourrait être au contraire un plus grand mal encore en comparaison de l’état actuel. […]

« […] si l’on considère seulement qu’un développement unilinéaire est forcément soumis à certaines conditions limitatives, qui sont plus étroites lorsque ce développement s’accomplit dans l’ordre matériel qu’en tout autre cas, on peut bien dire que le changement de direction dont nous venons de parler devra, presque sûrement, se produire à un moment donné. Quant à la nature des événements qui y contribueront, il est possible qu’on finisse par s’apercevoir que les choses auxquelles on attache présentement une importance exclusive sont impuissantes à donner les résultats qu’on en attend ; mais cela même supposerait déjà une certaine modification de la mentalité commune, encore que la déception puisse être surtout sentimentale et porter, par exemple, sur la constatation de l’inexistence d’un « progrès moral » parallèle au progrès dit scientifique. En effet, les moyens du changement, s’ils ne viennent d’ailleurs, devront être d’une médiocrité proportionnée à celle de la mentalité sur laquelle ils auront à agir ; mais cette médiocrité ferait plutôt mal augurer de ce qui en résultera. On peut encore supposer que les inventions mécaniques, poussées toujours plus loin, arriveront à un degré où elles apparaîtront comme tellement dangereuses qu’on se verra contraint d’y renoncer, soit par la terreur qu’engendreront peu à peu certains de leurs effets, soit même à la suite d’un cataclysme que nous laisserons à chacun la possibilité de se représenter à son gré. Dans ce cas encore, le mobile du changement serait d’ordre sentimental, mais de cette sentimentalité qui tient de très près au physiologique ; et nous ferons remarquer, sans y insister autrement, que des symptômes se rapportant à l’une et à l’autre des deux possibilités que nous venons d’indiquer se sont déjà produits, bien que dans une faible mesure, du fait des récents événements qui ont troublé l’Europe, mais qui ne sont pas encore assez considérables, quoi qu’on en puisse penser, pour déterminer à cet égard des résultats profonds et durables. D’ailleurs, des changements comme ceux que nous envisageons peuvent s’opérer lentement et graduellement, et demander quelques siècles pour s’accomplir, comme ils peuvent aussi sortir tout à coup de bouleversements rapides et imprévus ; cependant, même dans le premier cas, il est vraisemblable qu’il doit arriver un moment où il y a une rupture plus ou moins brusque, une véritable solution de continuité par rapport à l’état antérieur. »

La conclusion que nous voudrions tirer de toutes les considérations qui précèdent, c’est que la « Grande Parodie » et ses préliminaires s’imposeront probablement par la séduction, celle-là même contre laquelle l’Évangile nous a mis en garde. Et l’enthousiasme de nos contemporains n’est que trop prévisible, après le traumatisme d’on ne sait quelle catastrophe, face à ces temps d’impostures où une pseudo-réconciliation avec la nature (« panthéiste », « immanentiste », « naturaliste » à souhait) accompagnera vraisemblablement l’avènement d’un « esprit nouveau ».

Cela dit, rappelons qu'à maintes reprises, Guénon a expliqué que des mouvements ou des organisations opposés en apparences n'en pouvaient pas moins avoir une origine commune et une direction unique ; à cet égard, il rappelait l'apologue de l'éleveur de singe : "Cet homme dit aux singes qu’il élevait : Je vous donnerai trois taros le matin, et quatre le soir. Les singes furent tous mécontents. Alors, dit-il, je vous donnerai quatre taros le matin, et trois le soir. Les singes furent tous contents." Cet apologue, Guénon le cite dans un contexte tout autre et même inverse de celui que nous avons présentement en vue, mais, au fond, on pourrait peut-être dire que ce dont il s’agit dans tout cela, c’est d’une sorte de mise en œuvre de la « technique » alchimique du solve et coagula (sur laquelle on pourra se reporter notamment aux premiers chapitres de La Grande Triade) ; voici deux passages assez significatifs à cet égard :

«  […] quel but se proposaient les inspirateurs du modern spiritualism à ses débuts ? Il semble que le nom même qui fut alors donné à ce mouvement l’indique d’une façon assez claire : il s’agissait de lutter contre l’envahissement du matérialisme, qui atteignit effectivement à cette époque sa plus grande extension, et auquel on voulait opposer ainsi une sorte de contrepoids ; et, en appelant l’attention sur des phénomènes pour lesquels le matérialisme, du moins le matérialisme ordinaire, était incapable de fournir une explication satisfaisante, on le combattait en quelque sorte sur son propre terrain, ce qui ne pouvait avoir de raison d’être qu’à l’époque moderne, car le matérialisme proprement dit est d’origine fort récente, aussi bien que l’état d’esprit qui accorde aux phénomènes et à leur observation une importance presque exclusive. […] Nous ne croyons pas, quant à nous, que le spiritisme soit moins pernicieux que le matérialisme, quoique ses dangers soient tout différents ; mais d’autres peuvent juger les choses autrement, et estimer aussi que la coexistence de deux erreurs opposées, se limitant pour ainsi dire l’une l’autre, soit préférable à la libre expansion d’une seule de ces erreurs. Il se peut même que bien des courants d’idées, aussi divergents que possible, aient eu une origine analogue, et aient été destinés à servir à une sorte de jeu d’équilibre qui caractérise une politique très spéciale ; en cet ordre de choses, on aurait le plus grand tort de s’en tenir aux apparences extérieures. Enfin, si une action publique de quelque étendue ne peut s’opérer qu’au détriment de la vérité, certains en prennent assez facilement leur parti, trop facilement peut-être ; on connait l’adage : vulgus vult decipi, que quelques-uns complètent ainsi : ergo decipiatur ; et c’est là encore un trait, plus fréquent qu’on ne le croirait, de cette politique à laquelle nous faisons allusion. On peut ainsi garder la vérité pour soi et répandre en même temps des erreurs qu’on sait être telles, mais qu’on juge opportunes […] » (L’erreur spirite ch. II)

« Au fond, il semble qu’une des grandes habiletés des « dirigeants » de la mentalité moderne consiste à favoriser alternativement ou simultanément l’une et l’autre des deux tendances en question suivant l’opportunité, à établir entre elles une sorte de dosage, par un jeu d’équilibre qui répond à des préoccupations assurément plus politiques qu’intellectuelles ; cette habileté, du reste, peut n’être pas toujours voulue, et nous n’entendons mettre en doute la sincérité d’aucun savant, historien ou philosophe ; mais ceux-ci ne sont souvent que des « dirigeants » apparents, et ils peuvent être eux-mêmes dirigés ou influencés sans s’en apercevoir le moins du monde. » (Orient et Occident, I.2)

Maintenant, dans l’application « maléfique » de la mise en œuvre des dualités psychiques, il est facile de comprendre le rôle que peuvent jouer les « hantises » qu’a signalées Guénon dans le compte rendu d’un livre plus ou moins « anti-judaïque » et « anti-maçonnique » :

«  […] oserons-nous ajouter qu’une certaine volonté d’égarer les recherches, en suscitant et en entretenant diverses « hantises » (peu importe que ce soit celle de la Maçonnerie, des Juifs, des Jésuites, du « péril jaune », ou quelque autre encore), fait précisément aussi partie intégrante du « plan » [que les auteurs] se proposent de dénoncer, et que les « dessous » réels de certaines équipés antimaçonniques sont tout particulièrement instructifs à cet égard ? »

En effet, outre que ces « hantises », comme le dit Guénon, peuvent servir aux véritables responsables de la déviation moderne à égarer les recherches, et aussi à attribuer leurs propres tares à l’ennemi (d'abord pour le détruire, ensuite pour s'y substituer[5]), il est évident que quiconque veut passer pour un « libérateur » ou un « gentil » doit avoir des « méchants » à pointer du doigt ; que quiconque veut une « révolution » doit avoir un « tyran » à renverser ; ou encore, selon le même principe, que quiconque veut un « despote » doit avoir des « anarchistes » à mettre au pas ; peut-on concevoir un « Sauveur » sans un peuple à sauver ?

À cet égard, la longue série de comptes rendus qu’a faite Guénon de numéros de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes est très instructive : nous y voyons des personnages, relevant directement ou indirectement de la contre-initiation, à la fois créer et dénoncer une pseudo-maçonnerie satanique, dont ils affichent du reste complaisamment les élucubrations érotico-magiques dans leur revue[6] ; et nous voyons leur obsession anti-judaïque les pousser à dire, par exemple, que Jacob Boehm était juif. À propos de ces derniers, d’ailleurs, il est une curieuse remarque dans le compte rendu qu’a fait Guénon d’une édition italienne des Protocoles des Sages de Sion :

« Il se trouve dans [un roman intitulé] Le Baron Jéhova (pp. 59 à 87) un soi-disant « Testament d’Ybarzabal » qui présente des similitudes tout à fait frappantes avec les Protocoles, mais avec cette particularité remarquable que les Juifs y apparaissent seulement comme l’instrument d’exécution d’un plan qui n’a été ni conçu, ni voulu par eux. »

S’il nous est permis de faire une incursion dans le domaine de « l’actualité », nous dirons qu’il est fort à craindre, vu les provocations sionistes qui ne cessent de se multiplier, que les juifs ne servent à nouveau de bouc émissaire[7], et avec eux, ajouterons-nous, tout ceux qui, à tort ou à raison, leur sont associés, notamment les « dirigeants » nord-américains : Guénon n’a-t-il pas souligné, dans son article sur Les origines du Mormonisme, le lien que certains s’efforçaient d’établir entre juifs et américains ? Et la « diabolisation » des États-Unis n’aurait-elle pas non plus quelque rapport avec les symboles de leur sceau, tel qu’il les a analysés ? Et si, comme nous l’avons vu, l’Antéchrist devait avoir son « siège » en Europe, cette « diabolisation » n’éclairerait-elle pas d’un jour singulier, en vertu de la technique à double détente du solve et du coagula, le « réveil » de la Russie, ainsi que tous les mouvements qui lui sont plus ou moins solidaires en Europe ?

Tout cela fait penser à l’histoire de Charybde et de Scylla ; et le symbolisme apocalyptique, à cet égard, est fort instructif ; en effet : d’un côté, la grande prostitué ; de l’autre, la bête. Qui porte la grande prostituée ? La bête. Qui tue la grande prostituée ? Encore la bête. Si donc la grande prostituée est diabolique, elle sert en quelque sorte de faire valoir, pourrait-on peut-être presque dire, au diable lui-même…

Il est un élément du monde contemporain en lequel se résume tout ce dont nous venons de parler : les soi-disant « extra-terrestres ». Ceux-ci, en réalité, ne semblent pas être autre chose que les hordes de Gog et de Magog, c’est à dire les « entités » infra-corporelles dont Guénon a longuement parlé dans Le règne de la quantité et les signes des temps, et qui sont destinées à achever de dissoudre les « nœuds » résultant de la « solidification » qui s’est poursuivie pendant la première phase de la déviation moderne (Cf. ce lien).

Si nous ajoutons qu’autour de ces « entités maléfiques » s’est développée toute une sorte de « mythologie » ou de « religion à rebours », dans laquelle elles apparaissent soit comme des « anges », soit comme des « démons » ; qu’en outre, elles sont entourées d’une énorme et grotesque « mise en scène », qui ne peut-être que l’œuvre de sorciers, auxquels elles obéissent manifestement ; alors il semble permis de penser qu’il est probable qu'elles jouent un rôle non négligeable dans la « contre-tradition antéchristique », qui ne sera qu’une parodie, « la plus extrême et la plus immense de toutes les parodies, dont nous n’avons encore vu jusqu’ici, avec toute la falsification du monde moderne, que des « essais » bien partiels et des « préfigurations » bien pâles en comparaison de ce qui se prépare pour un avenir que certains estiment prochain, en quoi la rapidité croissante des événements actuels tendrait assez à leur donner raison. »

Maintenant, ce qui est encore très digne de remarque, c’est que les soi-disant « extra-terrestres » sont globalement de deux sortes : il y a d’une part les « méchants » « petits-gris », et d’autre part, les « gentils » « grands blonds », ceux-ci étant sensés nous « sauver » de ceux-là ; peut-être pourrait-t-il y avoir là quelque rapport avec les descriptions qui sont faites traditionnellement de ces entités subtiles comme des nains ou des géants ; mais, en tout cas, nous retrouvons encore ici le piège à double détente qui a fait l’objet de ce chapitre[8].


[1] St Matthieu, XXIX, 24.


[2] Voici quelques lignes extraites de la correspondance de Guénon avec Guido di Giorgio : « […] il paraît qu’il y aurait eu, aux environs de Rome, une apparition de la Vierge sur laquelle les autorités ecclésiastiques font le silence ; avez-vous entendu parler de cela ? On me dit aussi qu’il s’est produit dernièrement en France plusieurs choses du même genre ; je dois dire que tout cela ne me paraît pas très rassurant, car ces manifestations ont trop souvent des “dessous” assez ténébreux […] » [15 novembre 1947« Pour cette apparition aux environs de Rome, depuis que je vous en avais parlé, on m’en a dit aussi d’un autre côté à peu près la même chose que vous, sauf que, d’après cette autre version, il ne s’agissait pas d’un communiste, mais d’un protestant. Il paraît d’ailleurs que les apparitions se multiplient un peu partout ces temps-ci ; on en a signalé aussi plusieurs en France. Je dois dire que je ne trouve pas cela très rassurant, car ces choses ont trop souvent des “dessous” assez suspects ; l’autorité ecclésiastique, dans les cas de ce genre, a certainement bien raison de se montrer très réservée, et même peut-être pas assez encore, car elle finit souvent, sinon par admettre officiellement, du moins par tolérer des choses qu’elle se laisse en quelque sorte imposer par la foule… » [8 mars 1948]

[3] « On ne saurait croire à quel point cette expression d’« ère nouvelle » a été, en ces derniers temps, répandue et répétée dans tous les milieux, avec des significations qui souvent peuvent sembler assez différentes les unes des autres, mais qui toutes ne tendent en définitive qu’à établir la même persuasion dans la mentalité publique. »

[4] L’histoire de la musique occidentale, avec ses deux phases de « solidification » et de « dissolution » du système tonal, pourrait fournir une illustration remarquable de ce que nous disons ici (les musiciens pourront se reporter à cette page : Solidification et dissolution du système tonal).

[5] Dans cet ordre d'idée, on peut peut-être citer le passage suivant : "Il est assez remarquable aussi que tout ce qui se rapporte à l’influence de la Lune ait le don d’exciter particulièrement la fureur des gens qui se vantent d’avoir « l’esprit scientifique », au sens où on l’entend aujourd’hui, et surtout des « vulgarisateurs » (voir par exemple Arago et Flammarion, dont on trouvera dans ce livre des citations bien caractéristiques à cet égard) ; il y a là quelque chose dont on peut s’étonner à première vue, car un tel acharnement contre des choses qui paraissent tout au moins inoffensives n’est guère facile à justifier ; mais n’y aurait-il pas à cela des raisons plus profondes qu’on ne le croirait, et tenant par quelque côté à la « tactique » même de l’esprit antitraditionnel ?" (Compte rendu de juin 1938) En effet, si l'on se rappelle des deux phases de "solidification (matérialiste)" et de "dissolution (pseudo-spirituelle)" caractéristiques de l'action antitraditionnelle, on pourra facilement comprendre que, dans la phase de dissolution, cet acharnement caricatural puisse finalement susciter l'incrédulité et se retourner contre l'esprit "matérialiste" lui-même, favorisant ainsi l'avènement des pires contrefaçons contre-traditionnelles.

[6] « [...] il y a [...] tout lieu de [...] considérer [l’ex-rabbin Paul Rosen, alias Moïse Lid-Nazareth] comme ayant été, dans l’affaire Taxil, un des agents les plus directs de la « contre-initiation » (ce qui explique d’ailleurs son double rôle apparent) ; mais il n’était pas le seul, et il y en eut d’autres… qu’on ne doit pas tenir tant que cela à connaître à la R.I.S.S. ! » (Compte rendu d'octobre 1936) « [...] le gros recueil de documents publiés par des ex-collaborateurs de la R.I.S.S. m'a donné, d'une façon inattendue, l'occasion d'avoir la preuve de leur connivence, que j'avais soupçonnée depuis longtemps, avec le fameux Aleister Crowley... » [lettre de Guénon à Renato Schneider (5 novembre 1936)] Cf. le compte rendu du recueil en question. D'autre part, iest bien entendu que ce que nous disons ici n'empêche pas la "pseudo-initiation" d'être un des instruments privilégiés de la "contre-initiation" et, à cet égard, nous ne saurions trop recommander la lecture du XXXVIème chapitre du Règne de la quantité et les signes des temps (La pseudo-initiation).


[7] "Il se trouve dans Le Baron Jéhova (pp. 59 à 87) un soi-disant « Testament d’Ybarzabal » qui présente des similitudes tout à fait frappantes avec les Protocoles, mais avec cette particularité remarquable que les Juifs y apparaissent seulement comme l’instrument d’exécution d’un plan qui n’a été ni conçu, ni voulu par eux." Sur les juifs, voir entre autre la note 1 de "Les méfaits de la psychanalyse", dans Le règne de la quantité et les signes des temps le compte-rendu de La mystérieuse Internationale juive, de Léon de Poncins ; Le Compagnonnage et les Bohémiens, À propos des pélerinages... Il y a aussi quelques allusions instructives dans Orient et Occident et dans quelques-uns des articles parus dans La France Antimaçonnique, mais, à propos de ces derniers, il n'est peut-être pas inutile de signaler que Falk-Scheck, dont il est question dans La stricte observance et les supérieurs inconnus, était selon Gershom Scholem un initié (ou contre-initié ?) sabbataïste, de même, parait-il, que Bernard Lazare était un sabbataïste déclaré (quant à Frank-Duquesne, dont Guénon a souligné qu'il était fils de rabbin, il aurait été un descendant du faux messie Jacob Frank ; cf. cette page) ; en tout cela il ne s'agit donc évidemment nullement de judaïsme orthodoxe (cf. dans le recueil Le Sphinx, l'article sur les "deunmés" intitulé Les vampires de la Turquie), pas plus que dans le Wahhabisme et le Pentecôtisme il n'y a d'Islam et de Christianisme orthodoxe.


[8] Sur tout ceci, cf. Veilleur, où en est la nuit, de Jean Robin. Nous conclurons en attirant l'attention des "traditionalistes" sur ces lignes du Sphinx : "Un autre point qui est à retenir, c’est que les Supérieurs Inconnus, de quelque ordre qu’ils soient, et quel que soit le domaine dans lequel ils veulent agir, ne cherchent jamais à créer des « mouvements », suivant une expression qui est fort à la mode aujourd’hui ; ils créent seulement des « états d’esprit », ce qui est beaucoup plus efficace, mais peut-être un peu moins à la portée de tout le monde. Il est incontestable, encore que certains se déclarent incapables de le comprendre, que la mentalité des individus et des collectivités peut être modifiée par un ensemble systématisé de suggestions appropriées ; au fond, l’éducation elle-même n’est guère autre chose que cela, et il n’y a là-dedans aucun « occultisme ». Du reste, on ne saurait douter que cette faculté de suggestion puisse être exercée, à tous les degrés et dans tous les domaines, par des hommes « en chair et en os », lorsqu’on voit, par exemple, une foule entière illusionnée par un simple fakir, qui n’est cependant qu’un initié de l’ordre le plus inférieur, et dont les pouvoirs sont assez comparables à ceux que pouvait posséder un Gugomos ou un Schrœpfer [Voir La Stricte Observance et les Supérieurs Inconnus]. Ce pouvoir de suggestion n’est dû, somme toute, qu’au développement de certaines facultés spéciales ; quand il s’applique seulement au domaine social et s’exerce sur l’« opinion », il est surtout affaire de psychologie : un « état d’esprit » déterminé requiert des conditions favorables pour s’établir, et il faut savoir, ou profiter de ces conditions si elles existent déjà, ou en provoquer soi-même la réalisation. Le socialisme répond à certaines conditions actuelles, et c’est là ce qui fait toutes ses chances de succès ; que les conditions viennent à changer pour une raison ou pour une autre, et le socialisme, qui ne pourra jamais être qu’un simple moyen d’action pour des Supérieurs Inconnus, aura vite fait de se transformer en autre chose dont nous ne pouvons même pas prévoir le caractère. C’est peut-être là qu’est le danger le plus grave, surtout si les Supérieurs Inconnus savent, comme il y a tout lieu de l’admettre, modifier cette mentalité collective qu’on appelle l’« opinion » ; c’est un travail de ce genre qui s’effectua au cours du XVIIIe siècle et qui aboutit à la Révolution, et, quand celle-ci éclata, les Supérieurs Inconnus n’avaient plus besoin d’intervenir, l’action de leurs agents subalternes était pleinement suffisante. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard, empêcher que de pareils événements se renouvellent, et c’est pourquoi, dirons-nous avec M. Copin-Albancelli, « il est fort important d’éclairer le peuple sur la question maçonnique et ce qui se cache derrière »."

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