Ic. René Guénon

Dans le deuxième chapitre des Fusus-al-Hikam, Ibn ‘Arabî expose la doctrine selon laquelle les êtres manifestés, dans tous leurs états, ne font qu’exprimer dans l’Existence les possibilités de leurs propres "essences" non-manifestées ; c’est là la doctrine qu’expose aussi Guénon dans L’être et le milieu, le treizième des vingt-six chapitres de La Grande Triade. Or, voici ce qu’écrit Ibn ‘Arabî à ce propos :

« Tout don manifesté dans le monde advient de cette façon […] il n’y a rien en qui que ce soit qui vienne d’un autre que lui-même, même s’il revêt une diversité de formes. Tout le monde n’a pas cette connaissance, ni ne sait que la réalité est telle, à l’exception de quelques-uns parmi les Gens de Dieu. Si tu vois quelqu’un qui possède cette connaissance, repose-toi entièrement sur lui, car il s’agit alors de la pure quintessence de l’Élite de l’Élite d’entre les Gens de Dieu. »

Il faut bien se rendre compte de ce que cela veut dire : il y a là une hiérarchie dans la connaissance divine comparable aux hiérarchies angéliques, car les êtres en question s’identifient effectivement aux principes angéliques dans certains de leurs états ; l’élite des gens de Dieu, l’élite de l’élite et la quintessence de l’élite de l’élite, par exemple, pourraient peut-être représenter les trois ordres angéliques, et la pure quintessence de l’élite de l’élite ce qui est au-delà encore… Autrement dit, Guénon, loin d’être un philosophe ou un « chercheur », ne serait même pas un simple homme ; et son œuvre était providentielle, d’origine spirituelle, et non pas le produit de raisonnements ou d’une volonté individuelle. Qu’on ne se laisse pas abuser à cet égard par la simplicité de ses mœurs ou son dédain de « pouvoirs » quelconques ; au contraire, comme l’enseigne encore Ibn ‘Arabî, et selon la doctrine qu’il a lui-même exposée en plusieurs endroits (cf. notamment les articles rassemblés à titre posthume dans la dernière partie d’Initiation et Réalisation Spirituelle, ou encore le chapitre XXI des Aperçus sur l’initiation), sa soumission extérieure aux « causes secondes » atteste de son excellence, dont la qualité intrinsèque de son œuvre est d'ailleurs une garantie suffisante, et même sans doute la seule véritable ; mais comme il est des gens qui ne veulent voir en lui qu’un « penseur » et un homme en tout point semblable à eux[1]peut-être est-il tout de même permis de citer quelques lignes significatives sur le « pouvoir des clefs » :

« […] nous n’avons pas à faire savoir à M. Le Cour ou à tout autre « chercheur » ce que nous possédons ou ne possédons pas ; et, pour ce qui est particulièrement du « pouvoir des clefs », ainsi que nous l’avons fait entendre dans Autorité spirituelle et pouvoir temporel, nous nous expliquerons là-dessus le jour où il nous conviendra ; jusque-là, rien ne « se verra » que ce que nous voudrons bien laisser voir, et, bon gré mal gré, M. Le Cour devra en prendre son parti. »

« En tout cas, nous tenons à l’avertir charitablement qu’il a touché à un sujet défendu : celui du « pouvoir des clefs », que, dans son ignorance, il déclare « absolument propre au Christianisme » ; ne sait-il donc pas qu’il a été décidé naguère, en très haut lieu, qu’il fallait faire le plus complet silence sur cette question essentiellement « hermétique » et… plus que dangereuse ? »

Veut-on savoir ce qu’est ce « pouvoir des clefs » ? C’est, comme Guénon l’écrit lui-même dans son dernier livre, « le pouvoir même de commander à la vie et à la mort » ; et voici d'ailleurs encore comment il parle de sa propre mort :


« […] si on continue à nous… empoisonner avec la « personnalité de René Guénon », nous finirons bien quelque jour par la supprimer tout à fait ! Mais nos adversaires peuvent être assurés qu’ils n’y gagneront rien, tout au contraire… »


Bien que nous ne puissions ici nous arrêter sur tout ce qu’ils impliquent, cet extrait et les suivants indiquent suffisamment par eux-mêmes que Guénon était affranchi des liens de l’individualité ordinaire (pour comprendre exactement ce dont il s’agit, le lecteur n’aura qu’à se reporter, par exemple, aux chapitres XXVI, XXVII, XXXVII ou X des Aperçus sur l’initiation, sans parler des États multiples de l’être) :

« [...] nous avons [...] le droit absolu de vivre comme bon nous semble et de résider où il nous convient, sans que nul ait rien à y voir, et nous ne sommes aucunement disposé à admettre la moindre ingérence dans ce domaine. Notre œuvre est d’ailleurs rigoureusement indépendante de toute considération individuelle, et n’a par conséquent rien à faire avec ces choses qui ne peuvent véritablement intéresser personne ; et nous ajoutons même que nous ne voyons pas du tout pourquoi nous serions obligé de vivre toujours dans la peau d’un même personnage, qu’il s’appelle « René Guénon » ou autrement… »

« […] si étrange que cela puisse lui sembler, « la personnalité de René Guénon » nous importe peut-être encore moins qu’à lui, attendu que les personnalités, ou plutôt les individualités, ne comptent pas dans l’ordre des choses dont nous nous occupons ; et puis, après tout, est-il même bien sûr qu’il y ait actuellement par le monde quelqu’un qui porte ce nom ? Qu’on le prenne pour une pure désignation conventionnelle, adoptée pour la commodité du langage comme aurait pu l’être toute autre signature quelconque, c’est tout ce que nous demandons… »


« Dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (numéro du 5 janvier 1914, Index Occultiste, p. 141), nous lisons ce qui suit, sous la signature N. Fomalhaut, pseudonyme astrologique de M. Charles Nicoullaud : « La France Antimaçonnique, 18 décembre 1913, publie une longue étude intitulée “À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral”, qui est une discussion de différents articles parus dans la Revue. Cette étude est signée “Le Sphinx” [une des "signatures" utilisées par Guénon[2]]. Le Sphinx est un animal fabuleux qui tient à la fois de l’homme, de l’aigle, du taureau et du lion. Avant de répondre, nous aimerions à savoir auquel de ces quatre termes (sic) nous avons affaire. Il est toujours très difficile et délicat de discuter avec des inconnus. »


« Le Sphinx n’est pas tout à fait ce que pense M. Nicoullaud : ce prétendu « animal fabuleux » est en réalité un symbole, et, au lieu de « tenir » simplement des quatre composants énumérés ci-dessus, il en est la synthèse. Ses éléments ne se dissocient pas à volonté, et, si l’un quelconque d’entre eux venait à être isolé des autres, ce ne serait plus au Sphinx, évidemment, que l’on aurait affaire ; il faut donc bien se résigner à accepter la complexité de ce composé, si gênante qu’elle puisse être. Toute plaisanterie à part, il est fâcheux, lorsqu’on veut pénétrer la nature des mystérieux « Supérieurs Inconnus », de paraître ignorer, tout autant qu’un simple occultiste, la théorie de la multiplicité des états de l’être et de leur simultanéité, non seulement dans le Sphinx, mais même, plus simplement, dans le composé humain.


« Ceci dit, le sujet dont il s’agit pourrait nous amener à penser que, si M. Nicoullaud n’aime pas à discuter avec des inconnus, c’est peut-être parce qu’il redoute de les trouver supérieurs… et aussi d’être obligé, pour se mettre en présence de ses adversaires, d’affronter les terreurs de quelques-uns de ces « voyages en astral »… qui s’appellent vulgairement des cauchemars. »


« Dans le numéro de décembre [...] nous trouvons un article fantaisiste qu’on a cru spirituel d’intituler Entretiens d’Œdipe ; si on savait combien cela nous est égal, et comme certaines allusions qui veulent être perfides sont loin de nous toucher… d’autant plus loin que ceux de nous qu’elles prétendent viser sont morts depuis bien longtemps ! »



*


On voit que l'activité de Guénon ne se réduisait pas à l’élaboration de son œuvre doctrinale et à la rédaction de sa si vaste correspondance, bien qu’il y ait là « plus qu’il n’en eût fallu pour absorber toute l’activité d’un homme ordinaire », pour reprendre une formule qu’il applique lui-même à saint Bernard ; voici un autre passage où il est fait allusion à une fonction énigmatique, qui du reste, comme l’indique une des citations qui précède, pourrait fort bien s’être prolongée après son apparente mort corporelle (peut-être à la manière de ces « Supérieurs Inconnus » auxquels, pour se maintenir à travers le temps, il aura suffit, dans l’intervalle de leurs « missions », de se remettre aux pieds de l’Éternel, comme l'écrit Le Sphinx) :


« Du « F∴ Fomalhaut » (qui se croyait peut-être Œdipe, mais qui en cela se trompait bien) et du sire de Guillebert, pour ne citer de ce coté que ceux qui sont vraiment morts, à la directrice de La Flèche (qui, notons-le en passant, vient de faire paraître un « rituel d’initiation satanique », ce qui a du moins le mérite d’être net) et à tel individu trop immonde pour que nous le nommions (il nous répugnerait de le toucher même du bout d’une cravache), il n’y a peut-être pas si loin qu’on le croit ; et, pour surveiller le chemin qui mène des uns aux autres, le « point géométrique » où nous nous trouvons (mettons que ce soit, si l’on veut, le sommet d’une Pyramide) est particulièrement bien situé ! Faut-il préciser que, sur ce chemin, nous avons relevé les traces d’un « âne rouge » et celles… du Dragon de l’Élue[3] ? »


Il s’agit là vraisemblablement d’une mise en œuvre, impliquant une maitrise peu commune, de connaissances liées à la géographie sacrée, dans laquelle les pyramides du Caire (ville où résidait Guénon) occupent manifestement une place « stratégique » importante. Quant au « rituel d’initiation satanique » et à « l’âne rouge » (dont nous aurons l’occasion de voir qu’il représente, semble-t-il, une des entités les plus infernales de notre monde), ils indiquent assez clairement à quoi se rattachaient tous ces personnages ; et si, du côté de la Revue Internationale de Sociétés Secrètes, il y eut tant de disparitions ou de morts, c’est manifestement que Guénon, devant cette cohorte de « magiciens noirs », était plus que redoutable, comme on peut le voir avec les comptes rendus par lesquels il leur fait commettre bien des imprudences[4] :


« Nous considérons donc cette vilaine affaire comme définitivement réglée, mais nous ne nous faisons pas d’illusions : il y aura sans doute encore d’autres marionnettes à démonter, d’autres mystifications à démasquer, avant de pouvoir faire apparaître enfin au grand jour ce qui se cache derrière tout cela. Si déplaisante que soit une telle besogne, elle n’en est pas moins nécessaire ; et nous la continuerons autant qu’il le faudra, et sous telles formes qu’il conviendra… jusqu’à ce que nous ayons écrasé le nid de vipères ! »


Les attaques multiples dont Guénon fit l’objet, des agressions plus ou moins « lycanthropiques » d’animaux noirs à l’action paralysante d’influences maléfiques[5], en passant par les fausses lettres, les insinuations fielleuses et les cris de rage, montrent suffisamment combien Guénon était gênant ; et qu’on aille pas croire qu’il ne s’agissait là que de luttes ou de vengeances simplement anecdotiques ou locales : « […] au début de l’affaire d’Hitler », écrit Guénon dans une lettre de septembre 1938, « il n’y a pas eu seulement Trebitsch-Lincoln, mais aussi Aleister Crowley et un certain colonel Ettington […] »


Tout indique en effet que des contre-initiés comme ceux auxquels Guénon eut affaire « préparèrent » Hitler, cela par des procédés ou des manipulations psychiques comparables à ceux auxquels il est fait allusion en divers passages de l’Erreur spirite. Toujours est-il que Trebitsch-Lincoln, et surtout Aleister Crowley, sont encore bien connus. Guénon eut maintes fois l’occasion de dénoncer le rôle joué par ce dernier dans la perverse « diabolisation » de la pseudo-maçonnerie, ainsi que sa connivence avec les anti-maçons de la R.I.S.S. ; mais d'autre part, à propos de Joanny Bricaud, autre contre-initié dont il eut à subir les attaques, il écrit dans une lettre qu'il croit que ce dernier, bien que « certainement beaucoup moins intelligent que Cr. [Crowley] », était « beaucoup plus dangereux en réalité ».


Cela dit, c’en est assez de toutes ces histoires, dont nous ne parlons que pour montrer que les écrits de Guénon n'ont rien à voir avec de quelconques rêveries en l'air ; il nous faut maintenant revenir à des considérations un peu plus dignes d'intérêt.


*


« L’Être est un, ou plutôt il est l’Unité métaphysique elle-même ; mais l’Unité enferme en soi la multiplicité, puisqu’elle la produit par le seul déploiement de ses possibilités ; et c’est pourquoi, dans l’Être même, on peut envisager une multiplicité d’aspects, qui en sont autant d’attributs ou de qualifications, quoique ces aspects n’y soient point distingués effectivement, si ce n’est en tant que nous les concevons comme tels ; mais encore faut-il qu’ils y soient en quelque façon pour que nous puissions les y concevoir. »


Bien que ces aspects soient en multitude indéfinie, quelques-uns sont comme les principes de tous les autres, car il y a une certaine hiérarchie qui peut être établie entre eux, suivant qu’ils procèdent plus ou moins directement de l’Essence ; en outre, ces attributs s’expriment nécessairement dans chaque être manifesté selon des proportions diverses, et c’est d’ailleurs ce qui fait la diversité même des êtres. Cela peut faire comprendre qu’il puisse y avoir des communautés ou des « familles » spirituelles, selon que les êtres se rattachent à tel aspect divin plutôt qu’à tel autre, question évoquée par Guénon à propos de théories saugrenues d’après lesquelles Jean-Baptiste serait Élie « réincarné » :


« Il marchera devant le Seigneur dans l’esprit et dans la vertu d’Élie, pour réunir le cœur des pères avec leurs enfants et rappeler les désobéissants à la prudence des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait »[6]. On ne saurait indiquer plus clairement que Jean-Baptiste ne serait point Élie en personne mais qu’il appartiendrait seulement, si l’on peut s’exprimer ainsi, à sa « famille spirituelle » ; c’est donc de cette façon, et non littéralement, qu’il fallait entendre la « venue d’Élie ». »


À propos de la « famille spirituelle » d'Élie, nous citerons encore ces lignes : « Il y a presque toujours une étroite connexion établie entre Hénoch (Seyidna Idris) et Elie (Seyidna Dhûl-Kifl), enlevés l’un et l’autre au ciel sans être passés par la mort corporelle, et la tradition islamique les situe tous deux dans la sphère solaire. » Ces prophètes (auxquels il semble qu’il faille joindre El-Khidr, qui leur est souvent apparenté) ont manifestement un rapport avec le sujet de la présente étude, puisque, écrit Guénon en note, « il est dit qu’ils doivent se manifester de nouveau sur la terre à la fin du cycle : ce sont les deux « témoins » dont il est parlé au chapitre XI de l’Apocalypse. »[7] Or, selon toute vraisemblance, Guénon appartient à cette même « famille spirituelle ». Ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question en détail, qui d’ailleurs n’a peut-être pas grande importance ; disons seulement que, dans sa correspondance, il a lui-même fait allusion à un rapport spécial entre El-Khidr et lui[8] ; qu' El-Khidr est le maître des afrâd, les solitaires dont nous avons déjà parlé plus haut, et dont Guénon semble posséder toutes les caractéristiques ; que par sa sagesse « innée », il semble qu’au-delà de toute les traditions particulières, il se rattachait directement à la « sphère solaire » susmentionnée ; et qu’en outre, comme nous l’avons vu, son œuvre apparaît, sous un de ses aspects, comme celle d’un « précurseur », comme l’était aussi Jean-Baptiste, et comme devront l’être encore Hénoch et Élie (toute proportions gardées bien sûr).


À cet égard, il y a quelque chose de plus encore, qu’il nous faut rapporter, au moins à titre documentaire : Guénon a écrit un long et important article sur les deux « phases » de la réalisation, respectivement ascendante et descendante ; dans la première de celles-ci, l’être s’élève jusqu’à son principe non-manifesté ; mais le Principe suprême est au-delà même de la non-manifestation et comprend à la fois  « l’être et le non-être », « le manifesté et le non-manifesté », « le son et le silence », sans quoi il ne serait pas véritablement la Totalité absolue. Aussi, tant que l’être ne « redescend » pas vers les créatures, porteur de toutes les « influences spirituelles » inhérentes à son état transcendant, il est certes identique au Principe, mais dans une seule nature, non dans la double nature comprise en Son unique essence ; et c’est ici qu’il faut à nouveau faire intervenir la considération des aspects divins.

« Lorsque l’homme [...] se libère pendant son ascension spirituelle (mi’râj) vers son Seigneur », écrit Ibn 'Arabî, « et que tout monde qu’il aborde dans son parcours (à travers les plans superposés de l’être) lui prend au passage ce qui est apparenté à tel monde, il ne lui reste finalement que ce seul « secret » (sirr) qu’il tient d’Allâh, seule chose par laquelle il puisse le voir Lui et entendre Sa parole, car Allâh est trop sublime et saint pour être saisi si ce n’est par Lui. Et lorsque l’être revient de ce degré contemplatif (mashhad) sa forme qui avait été décomposée pendant son exaltation (‘urûj) se reconstitue, l’univers (à tout degré) lui restituant ce qu’il lui avait retenu comme partie apparentée (au plan d’existence correspondant) chaque monde ne dépassant aucunement les limites de son genre. Le tout donc se réunit autour de ce « secret divin » et se reforme intégralement en lui. C’est par ce « secret » d’ailleurs que la « forme » de l’être chante les louanges de son Seigneur, un autre que lui ne sachant jamais en faire la véritable louange [...] » ("La Science propre à Jésus", chap. 20 des Futûhât, trad. Michel Vâlsan)

Il semble donc assez naturel (bien qu’il ne faille certes pas généraliser et limiter la Possibilité universelle) que l’être, lors de sa « redescente », manifeste les aspects ou les attributs divins par lesquels il s’était « élevé » vers Dieu dans la première phase de sa réalisation, et aussi, peut-être, que le « point d’arrivée » de la « redescente », s’il est permis de s’exprimer ainsi (et sans vouloir par-là restreindre la multiplicité indéfinie des "descentes divines" ; cf. St Luc, 2:52), puisse être en quelque sorte celui-là même d’où l’être avait amorcé sa « montée ». Et comme Guénon, selon ses propres dires, n’avait apparemment pas atteint la plénitude de la connaissance[9], et qu’il y a donc tout lieu de penser, vu la « qualité » du personnage, qu’il puisse être un « vidêha-mukti », c’est à dire qu’il ait atteint la Délivrance au moment même de son apparente mort corporelle, il ne nous semble pas étonnant que certains puissent affirmer qu’il doive revenir, à la fin du cycle, « dans l’esprit d’Élie ». À cet égard, nous rappellerons le compte rendu cité plus haut où, à propos de sa possession supposée du « pouvoir des clefs », il dit que, jusqu’au jour où il lui conviendra, « rien ne se « verra » que ce qu’il voudra bien laisser voir » ; or, nous ne voyons pas qu’il n’en ait rien montré, du moins à son "public" ordinaire, tandis que, par contre, le pouvoir de « fermer le ciel pour qu’il n’en tombe pas de pluie », qui en est une application (cf. La Grande Triade, ch. VI), est expressément attribué aux deux témoins de l’Apocalypse.


Page d'accueil

___________________________

[1] « […] nous n’avons point à « chercher la vérité » ici ou là, parce que nous savons (et il nous faut insister sur ce mot) qu’elle est également dans toutes les traditions ; mais, comme chacun est porté à juger les autres d’après lui-même, ce pauvre M. paul le cour s’imagine sans doute que nous sommes tout simplement un « chercheur » comme lui… » (Compte rendu de revue, déc.1947)

[2] "Chaque fois que je me suis servi ainsi d'autres signatures, il y a eu des raisons spéciales, et cela ne doit pas être attribué à R.G., ces signatures n'étant pas simplement des "pseudonymes" à la manière "littéraire", mais représentant, si l'on peut dire, des "entités" réellement distinctes" (lettre du 17 juin 1934). Outre "Le Sphinx", nous pouvons mentionner, parmi  les noms qu'a porté Guénon, celui de "Palingénius" (Re-né), et aussi, bien sûr, "Abd al-Wâhid Yahyâ" (Serviteur de l'Unique, Jean). Ce qui peut paraître plus étonnant, et que nous ne signalons d'ailleurs qu'à titre de curiosité, car nous ne savons trop qu'en penser, c'est le ch. XXV de La Grande Triade, intitulé "La Cité des Saules" : outre qu'il y est question de la lettre G qui, au centre de l’Étoile flamboyante, "représente le principe divin qui réside dans le "cœur" de l'homme "deux fois né" (= re(g)ne), et aussi  de la lettre I, symbole de l'Unité, devant laquelle Francesco da Barberino "s’est fait représenter lui-même dans une attitude d’adoration" (Abd al-Wâhid Yahyâ ?), Guénon s'est servi une fois au moins de son nom de famille complet "de la Saulaye" (cf. R.G. de la Saulaye, article de Muhammad Vâlsan).
[3] Allusion à un « roman fantastique et anonyme » d’inspiration « taxilienne », et autour duquel on avait fait grand bruit dans les milieux antimaçonniques. Dans une lettre du Caire datée du 18 octobre 1930, Guénon donnait l’explication de cette énigmatique mention : « Il y a ici, derrière El-Azhar, un vieux bonhomme qui ressemble étonnamment aux portraits que l’on donne des anciens philosophes grecs, et qui fait d’étranges peintures. L’autre jour, il nous a montré une espèce de dragon avec une tête humaine barbue, coiffé d’un chapeau à la mode du XVIe siècle, et six petites têtes d’animaux divers sortant de la barbe. Ce qui est tout à fait curieux, c’est que cette figure ressemble, presque à s’y méprendre, à celle que la «R.I.S.S.» a donnée il y a un certain temps, à propos de la fameuse «Élue du Dragon», comme tirée d’un vieux livre qui n’était pas désigné, ce qui rendait son authenticité plutôt douteuse. Mais le plus fort, c’est que le bonhomme prétend avoir vu lui-même cette drôle de bête et l’avoir dessinée telle quelle ! »


[4] « [...] en ce qui concerne les rapports de la… boutique où il s’est fourvoyé avec certaine organisation d’espionnage « tentaculaire », M. Raymond Dulac ne nous apprend certes rien ; mais nous ne sommes pas fâché d’en trouver sous sa plume l’aveu à peine déguisé ! » ; « [...] ceci nous amène à constater qu’il est encore une autre disparition plus récente, mais dont on ne souffle mot… Aussi nous risquerons-nous à poser une question, peut-être fort indiscrète dans sa simplicité : qu’est donc devenu M. Raymond Dulac ? » ; « [...] Quoi qu’il en soit cette « disparition » a suivi de bien près celle de M. de Guillebert ; mais, au fait, pourquoi celui-ci, devenu subitement silencieux à la suite de nos allusions à l’affaire Le Chartier, n’a-t-il attendu que notre article sur Sheth pour mourir ?... Comprendra-t-on enfin, à la rédaction de la R.I.S.S. et ailleurs, qu’il est des choses auxquelles on ne touche pas impunément ? »


[5] « J'ai eu aussi une attaque d'ours autrefois, au temps des histoires de Téder ["Orsone"] ; j'ai même eu au cou une morsure dont j'ai gardé la marque pendant un certain temps » (lettre du 22 mai 1932). – « Ce que vous me dites me fait souvenir de ce qui m'est arrivé à moi-même en 1939 quand je dus rester six mois durant étendu dans un lit sans pouvoir me retourner ni faire aucun mouvement. Pour les gens, il se serait agi d'une crise de rhumatismes, mais en réalité, il s'agissait de bien autre chose et nous savons très bien qu'inconsciemment, cela servait de véhicule à une influence maléfique (c'était la seconde fois que cela se produisait, mais la première fois la chose avait revêtu une moindre gravité). Des mesures furent prises pour l'éloigner et pour que cela ne puisse plus revenir en Égypte ; depuis lors, il ne s'est plus rien produit de semblable. […] Pour ce qui est des maléfices (envoûtements), il existe une grande différence entre les vrais sorciers comme ceux auxquels nous avons affaire et les simples « occultistes » qui malgré leurs prétentions ne parviennent jamais à de réels résultats. Lorsque vous me dites que ces actions ne devraient pas pouvoir atteindre ceux qui ont une stature spirituelle, il convient de faire une distinction. Si vous vous référez au domaine psychique et mental, vous avez complètement raison. Mais il n'en va pas de même dans le domaine physique dans lequel n'importe qui peut être atteint. Au reste, étant donné que, selon la Tradition, des sorciers parvinrent à rendre malade le Prophète, je ne vois vraiment pas qui pourrait se vanter d'être à l'abri des attaques de leurs semblables » (lettre du 28 février 1948 à Julius Evola).


[6] St Luc, I, 17.


[7] Il parait que Moïse, qui « fut enseveli par le Seigneur », et dont « personne n’a connu le sépulcre » (Deutéronome, XXXIV, 6), serait quant à lui apparenté par la tradition hébraïque au « Grand Prophète » dont nous avons déjà parlé, et donc au « Seigneur de la terre » de ce même chapitre XI de l’Apocalypse. D'autre part, à propos d'Hénoch et d'Élie, il y a une indication intéressante dans une lettre de Guénon à Louis Cattiaux (20 février 1950) : "El Khidr n’est pas exactement le même que Melki-Tsédek, bien qu’il y ait entre eux un rapport assez étroit ; la différence est celle qui existe entre la voie initiatique qui relève du « Pôle » et celle des Afrâd, cette dernière étant d’ailleurs exceptionnelle. Dans la Kabbale, il y a quelque chose de similaire avec les deux frères « doués d’une perpétuelle jeunesse », Métatron et Sandalphon [qui sont souvent apparentés aux prophètes Hénoch et Élie respectivement]". Et sur Hénoch, dont nous aurons à reparler, cf. encore cet extrait du Livre des Haltes d'Abd-el-Kader.


[8] « Votre étude sur “Khwaja Khadir” (ici, nous disons “Seyidna El-Khidr”) est très intéressante, et les rapprochements que vous y avez signalés sont tout à fait justes au point de vue symbolique ; mais ce que je puis vous assurer, c’est qu’il y a là-dedans bien autre chose encore que de simples “légendes”. J’aurais beaucoup de choses à dire là-dessus, mais il est douteux que je les écrive jamais, car, en fait, ce sujet est un de ceux qui me touchent un peu trop directement… – Permettez-moi une petite rectification : El-Khidr n’est pas précisément “identifié” aux Prophètes Idris, Ilyâs, Girgis (St Georges) – (bien que naturellement, en un certain sens, tous les Prophètes soient “un”) ; ils sont seulement considérés comme appartenant à un même Ciel (celui du Soleil). »


[9] […] nous n’avons point la prétention d’être un « adepte », et même la preuve péremptoire que nous ne le sommes point, c’est que nous écrivons encore […]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.